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Sheela - Page 4

  • Au chat et à la souris (PART I)

      Bienvenue à la Clinique Psychiatrique Château du Grand Air annonce la pancarte défraichie à l’entrée du parc. Il y a quelques temps encore, fleuron en matière de soins des troubles psychiatriques aigus et subaigus, elle arborait fièrement ses façades de briquettes roses percées de grandes fenêtres ornées de pierre de taille blanche dans le plus pur style Renaissance. Autre temps, autres mœurs. Jouxtant une autoroute récemment tracée, à l’écart de toutes habitations alentours hormis une station-service incongrument construite sur une parcelle de son parc, nul ne saurait affirmer si cet établissement était toujours en activité.

      Une vilaine risée balaie le parc laissé à l’abandon. Par rafales rageuses, le vent chargé de matières mortes fouette les vitres de la monumentale porte d’entrée qui finit par céder à un ultime coup de boutoir. Une horde indisciplinée de feuilles brunâtres s’engouffre dans le grand hall, en investit chaque coin et recoin, gravit en tourbillons désordonnés les marches du majestueux escalier de pierre, au rythme des claquements chaotiques de la porte libérée de toutes entraves.

      A l’étage, aux hurlements lugubres du vent se joignent l’inquiétant hululement de quelques patients. Ces cris scandent la quotidienneté de mes journées passées ici, cloîtré dans cette funeste geôle. Parfois mon désespoir transpire tant, que même mon irascibilité m’insupporte ; une rage profonde m’emporte, et mes longs gémissements se joignent de concert aux autres.

      La porte s’ouvre précipitamment. Un bataillon de deux hommes et une femme fait irruption dans la pièce et, tandis que les assistants m’immobilisent au sol, l’infirmière d’un geste théâtral me plante une seringue dans le bras. Une vive brûlure se fait sentir à mesure que le venin parcourt mon réseau veineux et, rapidement, me plonge dans un état amorphe et de bête béatitude.

      Souvent la nuit, une infirmière corpulente brandissant triomphante une énorme seringue, hante mon sommeil agité. D’une brève poussée, un jet d’anesthésiant s’échappe de l’aiguille et retombe au sol en une nuée de gouttelettes. Un rictus de satisfaction déforme son visage. Sa tête couverte d’une ridicule coiffe se penche sur moi et, soudainement, une terrifiante poitrine, comprimée dans l’échancrure d’une blouse trop étroite, obscurcit mon champ de vision.

     

    (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service (PART V et fin de l'épisode)

      Mes yeux ne rencontrent pas le bar. C’est incompréhensible ! Pourtant je tiens pour assuré, qu’en ces lieux, j’ai pris un café ; je reconnais les blouses blanches aux rayures orange que portent avec agrément les serveuses. Elles courent de table en table, échangent quelques mots avec les clients et leurs distribuent un frugal en-cas et quelques cachets !?

      Je n’aperçois pas non plus Elodie. Pourtant, elle pourrait m’expliquer la singulière disparition du bar. Je vais me renseigner auprès de ses collègues.

    « Je cherche Elodie, vous l’avez vu ?

    - C’est une patiente ?

    - Non, ce n’est pas une cliente, c’est la serveuse du bar !

    - Ah…je vois ! Je suis nouvelle ici. Elodie, je ne la connais pas. »

    - Il n’y a pas d’Elodie ici, me répond une autre.

    - Elodie ! Encore Elodie ! Vous n’avez que ce prénom à la bouche ! Oubliez Elodie, elle n’existe que dans votre pensée dégénérée ! » me clame sévèrement une troisième.

      Je tente une dernière fois auprès du petit rassemblement de femmes en blouse qui m’entoure. Mon téléphone portable sonne. Je le consulte. Sur l’écran s’affiche : « 12 messages en attente ». Je décroche :

    « Sí sé, eso hace tres días que me espera en Cádiz

    (Oui je sais, cela fait trois jours que tu m’attends à Cadiz)

    - Allons, monsieur, soyez raisonnable, il est temps de nous suivre.

    - Llego, no te preocupa. Más que un último pequeño problema que debe solucionarse.

    (J’arrive, ne t’inquiète pas. Juste un dernier petit problème à régler.)

    - Allez monsieur, lâchez cette chaussure et rechaussez-vous ! Venez maintenant, ne nous obligez pas à intervenir

    - Elodie ?! Enfin ! Vous êtes bien Elodie, n’est-ce pas ?

    - Restez calme, tout va bien se passer, je vous ai apporté aujourd’hui un joli cachet violet. Vous les préférez aux jaunes, n’est-ce pas ? C’est ce que vous m’aviez dit hier »

    Elle relève la tête, la suavité de son sourire me bouleverse à nouveau, son regard déborde de désir. Je rapproche mes lèvres. Ma langue tournoie dans sa bouche…

      Tout le monde s’agite autour de moi, se débat. Un sifflet strident résonne dans le hall, des hommes en blouse blanche accourent de toutes parts. Les clients s’affolent, crient, trépignent, m’encouragent de la voix, hurlent mon prénom.

    « Vas-y ! Fais-lui la peau ! Butte-la, la belle gosse ! »

    Des bras m’enlacent, me séparent vigoureusement du corps d’Elodie…

     

      Le clapet du judas de la porte s’est ouvert. Un faisceau lumineux illumine la pièce. Une paire d’yeux apparaît. Ce ne sont pas ceux d’Elodie. Le volet se referme, la pièce retourne à sa demi-pénombre. J’entends les voix s’éloigner dans le couloir.

    -  Il n’y a pas grand-chose à espérer. C’est incurable.

    - Après un tel choc, vous avez des nouvelles d’Elodie ?

    - Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Elodie ? Il n’y a personne de ce nom là dans notre clinique psychiatrique.

     

     

    (Fin de l'épisode...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service (PART IV)

      Je ne me souviens ni pourquoi, ni comment je me suis retrouvé dans cette pièce. J’ai la tête lourde. Je dois faire l’effort de me souvenir, de rassembler mes idées, de mettre de l’ordre dans ma pensée décousue. Reprendre le début de l’histoire, recaler les images du film : l’enseigne lumineuse de la station-service qui surplombe au loin, le voyant vert qui clignote sur le tableau de bord, la voiture qui se déporte sur la droite pour emprunter la voie de décélération…

      Je quitte la voiture. Il fait encore nuit. Il bruine, la chaussée luit sous les lumières de la station. Non, il ne pleut pas, un vent frais balaie l’aire d’autoroute. Je suis face au distributeur de carburants. Son apparence me laisse dubitatif. Une sensation étrange, que je ne saurais définir de prime abord, me saisit. Il présente un aspect inhabituel… Il n’est pas pourvu de tuyaux ! Sur l’écran numérique de l’automate, défile une instruction que je peine à lire : «… Sélectionnez votre boisson et insérez votre monnaie … » Je ne comprends pas les images indomptables qui défilent sous mes yeux. Je ne suis pas en mesure de les analyser ; mon esprit est par trop confus.

      Je franchis le seuil de la boutique de la station-service. Un coup d’œil à droite pour vérifier l’emplacement des toilettes ; je suis en face des pissoirs. Je me vois descendre la fermeture du pantalon, sortir l’organe, décalotter, pisser… Comment puis-je me voir ? Là, face à moi, il y a une glace. Un robinet équipe la vespasienne. Un robinet ?! Une glace, un robinet, mais c’est un lavabo alors !

      Un homme entre, il se dirige vers les urinoirs. Des yeux, je le suis dans le miroir. Il a le torse dévêtu. Non, il porte une veste grise ; c’est moi qui suis torse nu. Il me regarde d’un œil bizarre. Il pue. Il sort un rasoir. Non, c’est moi qui me rase, qui urine. Non ! Je…je ne sais plus. Je me rase ou j’urine ? La situation me fuit, j’en perds le contrôle. Tout s’emmêle dans mon esprit. Lui c’est moi ou moi c’est lui ?

      Je m’esquive. Face à moi, se dresse le bar. Le bar ? Il n’y a pas de bar ! Je m’égare, probablement est-il établi ailleurs. D’un mouvement circulaire je scrute avec minutie l’immensité de la salle d’où sourd un constant brouhaha. Elle est aménagée d’une multitude de petites tables. Des gens attablés discutent avec pétulance autour d’une boisson chaude, d’un jeu de cartes ou de petits chevaux. D’autres personnes, comme des ombres chancelantes, déambulent en d’incessantes allées et venues le long des travées de tables, marmonnant parfois d’incompréhensibles dialectes secrets ou, soudainement, s’esclaffant de faits perceptibles que d’elles seules. D’autres encore somnolent dans des fauteuils agencés autour d’un poste de télévision qui diffuse une émission de variété. Une tenace impression de grand désordre, de délaissement suinte des murs de l’enceinte.

    (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service (PART III)

      La tête posée sur mon épaule, elle défait d’une main agile les premiers boutons de ma chemise et caresse sensuellement mon torse. Elle relève la tête, me lance un regard plein de désir et se rapproche de mes lèvres. Sa langue tournoie dans ma bouche, rencontre ma langue, titille son extrémité, l’enlace et l’enrobe d’une langoureuse saveur. Soyeuse, envoûtante, je me laisse bercer par la douce caresse de sa langue contre la mienne.

      Elle finit par arracher les derniers boutons de ma chemise et la jette sur la chaise où, consciencieusement, elle a plié ses vêtements. Puis, ses bras enlacent mon cou, la pointe hérissée de ses seins effleure ma poitrine ; un désir irréversible monte en moi. Mes mains saisissent le galbe de ses fesses et plaquent son corps dénudé contre mon sexe en émoi. Ses lèvres humides parcourent lascivement mon visage, mordillent le lob de mon oreille et, dans la chaleur de son souffle, s’échappent quelques douceurs.

      Un bref moment de répit, elle me contemple, puis ses mains, telles des serres, s’agrippent à mon cou, tracent de longues griffures et, de la pointe des ongles, injectent l’indélébile encre rouge de la douleur et du plaisir mêlés.

      Sa bouche s’égare sur mon torse, tète brièvement ma poitrine, glisse le long de mon ventre, dépose sur ma peau l’empreinte de son désir. Son nez tutoie la proéminence de mon sexe, le frôle, le hume, s’imprègne de son odeur. Ses lèvres le baisent tendrement. Une langue furtive humecte la toile. Une irrépressible délectation croît et forcit mon sexe empêtré dans le pantalon.

      Elle met fin à mon supplice en débouclant énergiquement la ceinture de mon pantalon, ôte le bouton, descend la fermeture et libère l’organe endolori. Ses lèvres le caressent, l’embrassent avec une infinie délicatesse puis, subitement, l’enferment dans la chaleur de sa bouche. Mon désir est à son comble et vire soudainement en une obsession pressante : Ne pas éjaculer ! Ne pas éjaculer ! Elle le libère aussi vite qu’elle l’a englouti, le toise culminant devant elle, impose une pause, par respect pour moi ou par expérience.

      Ne pas ramollir ! Ne pas ramollir ! Je perds ma vigueur. Le mouvement de sa langue reprend. Sa bouche ingurgite une à une mes bourses, les entrechoque entre les dents, les fait rouler sur la langue et les recrachent comme de vulgaires noyaux d’olives. Nonchalamment, sa langue remonte le long de mon sexe, puis ses lèvres s’entrouvrent, le chapeautent d’attentions suaves, avant de l’absorber profondément.

      Voyage en apesanteur vers l’intérieur, douceur, soie, velours ; sa bouche est chaude, humide, tropicale, agréable. Elle fait plusieurs allées et venues, l’enrobe, le cajole, l’enroule de sa langue. Chaque aspiration me plonge dans un insondable abysse.

      Je prends son visage entre mes mains, retire sa bouche de mon sexe et la relève. Je l’embrasse langoureusement. Elle se tourne de dos, s’incline et découvre une vulve d’où perle un désir ardent. Je m’approche, le sexe tendu…

      Une forte odeur de parfum féminin nappe l’atmosphère de la pièce ; un effluve de vanille entêtant, envoûtant, ultime trace olfactive d’une présence disparue. Adossé contre le mur, assis à même le sol, les genoux repliés sur moi-même, les bras prisonniers, je reste seul, noyé dans l’épaisse brume de mon esprit déboussolé, mon corps vaincu. Encore haletant, une formidable onde de bien-être coule dans mes veines. Mon corps se délite, mon esprit lévite dans une autre dimension.

      Comment me suis-je retrouvé dans cette pièce exiguë ? Je ne m’en souviens pas. Mes yeux parcourent le capiton blanchâtre qui recouvre les quatre murs identiques, à la recherche d’un indice, d’une réalité avérée. Deux phrases obsédantes tournent en boucle dans mon esprit : « Je vais déjeuner maintenant, vous m’accompagnez ? » et le terrible « Venez, suivez-moi ! » chuchotée à la fin de la collation.

      Je me revois hocher la tête, ressentir un profond ravissement, suivre pas à pas ses chaussures noires marteler le sol, ses jambes élégantes cheminer vers la remise derrière le magasin de la station-service. Non, pas un instant je n’ai envisagé l’étrangeté, le surréalisme de la situation. Je suis déjà dans un autre monde, déjà en tête à tête avec elle…

    (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.
  • Station-service (PART II)

      Le café fume dans la tasse. La mousse brunâtre bruisse comme une surface vivante. Je transperce son mince manteau avec la cuillère que je tourne machinalement en raclant les bords. La mousse se désagrège. Le reflet de mon visage apparaît. Je demeure le regard hagard face à son miroir noir.

    « Tout se passe comme vous voulez monsieur ? »

      La sonorité de la voix est agréable à l’oreille. Je relève lentement la tête, délaissant le spectacle qui se joue dans ma tasse. J’aperçois une étoffe blanche à rayures orange dont le parfait alignement vertical se fourvoie à l’approche de la proéminence de la poitrine ; la peau mate d’un cou désaffublé de son collier ; la fugitive suavité d’un sourire esquissé, l’insouciante prévenance d’un regard vert amande. La serveuse se dresse juste face à moi, derrière le bar.

    « C’est parfait ! Je suis juste un peu fourbu, lui dis-je en  m’étirant, c’est mon premier arrêt ! 

     Ah ! Et vous venez de loin ? s’enquière-t-elle.

    -   De la frontière belge et, pour tout vous dire, je me rends dans le sud de l’Espagne à Cadiz.

    -  Hé ! Vous n’êtes pas arrivé alors ! clame-t-elle. »

    Elle ne se départit pas de son sourire. Je porte la tasse à ma bouche. Une exhalaison d’aromes de grain de café grillé m’envahit ; la première gorgée met en émoi mes papilles gustatives.

    « Pas vraiment, non ! Mais je ne suis pas pressé, dis-je en prenant mes aises. »

    La serveuse repart. Un client vient d’arriver. Elle m’a lâché un : « je reviens ! » qui m’a semblé empreint d’une certaine complicité, peut-être illusoire.

      Je l’observe s’afférer avec le client à l’autre bout du long comptoir. Il me semble qu’elle lui sourit. Lui dit-elle les mêmes mots ? Le reflet du miroir me renvoie son image de dos. Je m’imagine enlacer son corps, le serrer tout contre moi, les bras croisés sur le ventre, les mains plaquées sur les hanches et, dans un accès de tendresse mêlée de désir, baiser sa nuque. Je décroise mes doigts et chasse cette pensée. Ma tasse est vide.

      L'employée revient vers moi. Son sourire ne l’a pas quittée. Elle se place face à moi et entreprend de laver quelques tasses. Quand elle se penche sur l’évier, son tablier s’entrouvre et point la naissance de ses seins ; l’étoffe dentelée du soutien-gorge alors se gondole et, le temps éphémère d’un regard honteux, j’entrevois la rosace pourpre du mamelon. Ma gorge s’assèche ; difficile de résister, de ne pas regarder. Elle relève subitement la tête. Je rougis. Je bafouille quelques mots : « Elodie, c’est un joli prénom ! 

    Ah, vous aimez ?  dit-elle d’un air amusé.

    Pardon ? Si j’aime quoi ?

    Eh bien mon prénom !

    Ah oui ! Je l’ai vu sur votre badge. Je ne me suis pas rendu compte que je le lisais à voix haute. Je suis désolé ! dis-je confus.

    -  Ne soyez pas désolé, cela me fait plaisir ! répond-t-elle enchantée.

    Je reprendrais bien un…

    Oh, je vous laisse, un car de touristes vient d’arriver ! »

    Je la vois repartir prestement, me laisser seul avec ma tasse vide et mon envie de café saupoudré de son doux parfum.

     (A suivre...)

     Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

     

  • Station-service (PART I)

      J’éteins les phares, coupe la radio et arrête le moteur. J’ai conduit toute la nuit. Je regarde mon visage dans le rétroviseur central. « Hum ! Je ne suis vraiment pas frais ! » La barbe commence à recouvrir mon faciès. Mes yeux sont explosés. Bien qu’il me reste encore plus d’une demi-journée de route, la raison impose l’arrêt. Je m’extirpe de l’habitacle, claque la portière. Il est tôt. Le jour n’est pas encore levé. Un petit vent vif me glace les os.

      Je contourne la voiture et me présente devant le distributeur de carburant. Je respecte scrupuleusement les instructions édictées par l’automate ; j’introduis la carte bancaire dans la fente ; du pouce, je l’enfonce délicatement à fond puis compose  son code secret ; je sélectionne le carburant, récupère la carte et ouvre la trappe du réservoir ; je tourne la clé dans la serrure du bouchon et le dépose sur l’automate ; je m’empare du pistolet, tire le long tuyau et enchâsse minutieusement le bec dans l’embout circulaire du réservoir. « Voilà, tout est en ordre, je n’ai rien oublié ? » Mon esprit est encore embrumé. Le pistolet bien en main, je presse la gâchette ; une forte odeur de gazole emplit mes narines. Ce n’est pas l’idéal au petit matin. Je suis pris de nausées tandis qu’implacablement galopent en rythmes distincts les compteurs de l’automate ronronnant …

      Quelques phares de voitures s’étirent sur le long ruban de l’autoroute. Le parking de la station service est vide ; l’interminable flot du retour de vacances n’a pas encore débuté. La grande porte vitrée de l’entrée de la station service s’ouvre automatiquement à mon passage ; un rideau de chaleur s’abat sur moi. Un désert m’accueille. D’un regard circulaire, je repère les toilettes sur ma droite.

      Je pousse la porte frappée de l’écriteau : « messieurs ». La pièce est plongée dans une demi-pénombre. Un homme se rase à un lavabo ; il est torse nu ; il pue le fauve. Malgré son impassibilité apparente, je sais que dans la glace il suit mon déplacement vers les pissoirs. Je me montre devant la vespasienne. Une forte odeur d’urine s’en échappe. Elles n’ont certainement pas été nettoyées de la nuit. Je courbe la tête, descends la fermeture du pantalon, sors l’organe, le décalotte, pisse abondamment, l’égoutte, le rentre et referme la braguette.  Trois minutes se sont écoulées où j’ai perçu toute l’intensité de son regard me violer. Je me retourne ; il a disparu. Le pourtour du lavabo est d’une propreté douteuse. Le distributeur de savon liquide est bouché, du robinet coule une eau froide et le tissu de l’essuie-main pend hors de son dévidoir. Je quitte le lieu.

      Le comptoir de la cafétéria est face à moi. Je me dirige d’un pas nonchalant dans sa direction. A cette heure, le bar n’est pas encore saturé de clientèle. Un silence inhabituel règne dans l’enceinte. Une jeune femme blonde s’emploie à essuyer de la vaisselle. Je m’installe sur un tabouret haut. Elle me remarque et me sourit. Je pense que cela vient de mon air, passablement endormi. Je donne l’impression d’être inoffensif. Je lui renvoie son sourire, peut-être un peu plus figé que le sien. Les mâchoires me font mal. Elles ne se sont pas desserrées de tout le trajet.

    « Vous désirez monsieur ? » me questionne-t-elle.

    J’aime l’intonation de sa voix. Son sourire ne l’a pas quittée.

       « Un café, s’il vous plait, mademoiselle. » Je lui réponds d'une voix que j’ai dû mal à reconnaître.

    Elle me dévisage amicalement.

    « Tout de suite, monsieur ! » s’exclame-t-elle d’un ton

    amusé.

     (A suivre...)

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  • Antone Marlus (Part IV)

    « Marjo ! Marjo ! 

    - Mais arrête donc de faire tout ce boucan, les enfants dorment !

    - Marjo, c’est incroyable ! Mon histoire… 

    - « Ne te mets pas dans ces états, tu t’essouffles !

    - Mes lecteurs…

    - Oui, tes lecteurs ?

    - Ils me félicitent, ils trouvent le suspense haletant!

    - Je suis contente pour toi !

    - Ils attendent la suite avec impatience !

    - Quelle chance !

    - Oui mais… Il n’y a pas de suite…

    - Ah bon ! Mais pourquoi donc ?

    - Je me suis tué !

    - Aie ! C’est ennuyeux ! Ressuscite-toi alors !

    - Je ne peux pas. 

    - Tu ne peux pas ? De quoi es-tu mort ?

    - Euh… d’une mort dont je ne peux revenir !

    - Bon, alors écoute Antone, je pense que cette situation peut attendre demain, maintenant tu me laisses dormir ! 

     

    ***

     

    - Allo, Olga !

    - Kronov ?

    - Agent Olga, vous avez employé les grands moyens ! Bravo pour votre sens de l’imagination, digne des plus grandes histoires d’espionnage!

    - Je n’ai pas eu le choix. Le professeur est décédé d’une crise cardiaque pendant…euh…enfin vous voyez ?

    - Oui, j’imagine très bien. Mais pourquoi toute cette horrible mise en scène ? 

    - Pour mener la police sur les traces de son passé. Il y a 20 ans le futur Professeur, encore étudiant, a participé à un week-end d’intégration d’une école de commerce. Au cours d’une nuit trop largement alcoolisée, la fête a dégénéré. Les femmes ont été recouvertes de plumes, enfermées dans des cages et soumises à des abus sexuels. Antone Marlus a été le premier à piquer sa fourchette dans la fameuse Céline M, l’organisatrice du rassemblement des anciens élèves où se rendait le Professeur.

    - Ah, je vois, il l’a violée.

    - Exactement. J’ai donc maquillé cet accident en vengeance.

    - Bien ! Bien ! Vous êtes donc en possession de la formule.

    - Non. Je ne l’ai pas retrouvée. Il ne la portait pas sur lui 

    - Cela ne me surprend pas. 

    - Rassurez-vous, je ne sais pas où elle est, mais personne n’a pu la subtiliser !

    - Je n’en suis pas aussi sûr que vous. Le cadavre découvert dans le train n’était pas celui du  professeur Antone Marlus !!! 

    - Quoi !? 

    - La personne que vous avez surveillée et suivie pendant des mois n’était pas le professeur Marlus, mais un espion français, travaillant pour le compte de la République Populaire de Chine, qui avait pris son identité ! 

    - Ce n’est pas possible !? 

    - Nous nous sommes fait roulés sur toute la ligne. Observez bien la signature du journaliste de Paris Soir. Enanto Muslar, c’est l’anagramme de Antone Marlus 

    - Incroyable ! 

    - D’après nos Services Centraux, Antone Marlus aurait filé au Brésil pour y négocier sa formule auprès des émissaires de ce pays. Il serait en compagnie d’une jeune femme, non fichée dans notre Base, une certaine Rubi. Nous tentons d’entrer en contact avec elle.

    - … 

    - Agent Olga, votre mission s’achève ici. Vous restez à notre disposition. Nous pouvons vous recontacter à tout moment. Pendant cette mise à pied, prenez garde à vous. Nous vivons dans un monde plein de dangers. Bonne chance ! » Clic !

     

    Fin de l’épisode

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  • Antone Marlus (Part III)

    Antone Marlus (Part III) la rencontre (à suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

     Cliquez ici : http://collectif.public.over-blog.com/article-16201977.html

     

     Retrouvez la rencontre de chacun des anciens élèves :

        Monique Turbot de Saxnana

        Carmino Hélio de Dreamlita

        Baptiste Calvignac de PatdeBigorre

        Bertrand de la Taillade de Cat

        Catherine Deschamps de Soleildebrousse

        Eliana Massimo de Caro

        Eric Genèste de Iah-Hel

        Marian Feldmann d’Hervé

        Ingrid Salvinski d’Emmanuelle Grangé

        Juliet Parker de Skarod

        Juliette Rosambo de Sushina et Heidi

        Antone Marlus de Monsterjack

        Justin Meunier de Wasicu

    Cliquez ici : http://collectif.public.over-blog.com/article-14601074.html

     

     

     


     

     

  • Antone Marlus (Part I et II)

    Présentation de Antone Marlus :

    Nom : Marlus

    Prénom : Antone

    Age : la quarantaine

    Profession : Professeur-chercheur de mathématique

    Statut : n’est pas seul

    Particularité : Est devenu amnésique au cours de ce week-end d'intégration, dont il ne garde plus aucun souvenir, ni même de la vie antérieure à ce dernier. Suite à ce week-end, il n'a pas poursuivi ses études dans cette école de commerce, et bien que peu doué initialement dans cette matière, il s'est bizarrement  lancé dans les mathématiques où il est devenu un génie de la mathématique dont les travaux ont été reconnus unanimement.

     Quand il reçoit le carton d'invitation, il a un choc car l'année de la promotion correspond à la période où il a perdu la mémoire. Il répond à l'invitation dans l'espoir de comprendre ce qui a provoqué son amnésie et de peut-être de retrouver la mémoire. Il n'a jamais revu les personnes de sa promotion et n'a aucune idée de leur identité. 

    Précision importante : les personnes invitées à ce week-end ne savent pas qu’il est devenu amnésique suite à cette soirée.

     

    Le carton d'invitation.

    « ESC Nantes. Promotion 1987. Vingt-ans après, que sommes-nous devenus ? Retrouvons-nous le temps d'un week-end dans le somptueux cadre du château de La Boissière, en plein coeur de la Sologne, pour partager petits et grands souvenirs. Surprises, émotions et frissons seront au rendez-vous. Tenue de plongée exigée. Pour les cavaliers, bombes et cravaches seront fournies par les propriétaires du château, ainsi que des fusils pour les chasseurs. Ci-joint, un plan pour rejoindre La Boissière. »


    Antone Marlus (Part I) : La mise en route

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

    Cliquez ici : http://collectif.public.over-blog.com/article-14605232.html


    Antone Marlus (Part II) l’obstacle   (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

    Cliquez ici : http://collectif.public.over-blog.com/article-15658645.html


    D’autres anciens élèves répondent à l’invitation:

        Monique Turbot de Saxnana

        Carmino Hélio de Dreamlita

        Baptiste Calvignac de PatdeBigorre

        Bertrand de la Taillade de Cat

        Catherine Deschamps de Soleildebrousse

        Eliana Massimo de Caro

        Eric Genèste de Iah-Hel

        Marian Feldmann d’Hervé

        Ingrid Salvinski d’Emmanuelle Grangé

        Juliet Parker de Skarod

        Juliette Rosambo de Sushina et Heidi

        Antone Marlus de Monsterjack

        Justin Meunier de Wasicu

     

        Céline M. De Cat qui a lancé l’invitation.

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  • Conte de Noël (PART II et FIN)

      Je fouille dans ma poche et presse entre mes doigts le précieux carton pioché dans le panier quand, deux semaines avant le réveillon de Noël, ma mère avait réuni la famille au grand complet et procédé au tirage au sort.

    Le prénom de mon ami secret y est inscrit. Je psalmodie à voix basse les quelques savoureuses phrases préparées à l’attention de ma cousine Hélène et entre dans le salon.

      Un demi-cercle impatient et sonore s’est formé autour de ma mère, près du sapin de Noël, où les cadeaux ont été déposés.

    -    « Bon, tout le monde est là ? Qui commence ? » interroge-t-elle.

    -    « Honneur à la plus jeune ! » suggère Lorie.

    Ma mère lui lance un regard plein de reconnaissance. Elle est conquise, sous l’emprise de son charme. Elle lui renvoie un sourire mielleux.

    « Magalie, reprend-t-elle, tu es la plus jeune, à toi l’honneur de commencer. Décris-nous ton ami secret afin que nous nous amusions à le deviner ! Ensuite, tu pourras lui donner son cadeau ! »

    L’ami secret de Magalie est Lorie. Je n’ai pas compris tout de suite, j’ai même mis beaucoup de temps à le découvrir mais, quand elle a affirmé qu’il n’avait d’yeux que pour moi, mon cœur a cessé brusquement de battre et ma gorge s’est asséchée subitement.

      C’est à son tour maintenant. Tout le monde s’esclaffe quand il devient évident que je suis son ami secret ! Est-ce vraiment le hasard ou encore une combine de ma mère ? Lorie s’approche de moi, le sourire enjôleur. Ses yeux réfléchissent une immense tendresse. Le trouble m’envahit de fond en comble. Un picotement effervescent parcoure mon épiderme. Elle me tend son présent.

    -     « En espérant qu’il te fasse plaisir » me dit-elle d’un sourire angélique.

    Je le déballe fébrilement Son cadeau est très personnel. Comment a-t-elle pu transpercer en si peu de temps mon intimité ?

      Je m’approche d’elle pour la remercier et l’embrasse délicatement sur ses lèvres soyeuses. Ma main caresse son dos qui soudainement se raidit  à mon contact. Peut-être suis-je allé trop loin. Ma bouche s’écarte de la sienne, elle a retrouvé son sourire qu’elle distribue à tout le monde, mais son regard s’est voilé. Mon cousin Tom, hilare, me fait un signe discret, le pouce levé.

      Chacun reprend son souffle, la cérémonie se poursuit. Tout au long de la soirée je ne reçois que des compliments sur ma nouvelle compagne, des encouragements, des félicitations qui ne font qu’attiser une tristesse que je sens poindre en moi.

      La soirée s’achève. Le temps de se quitter, de saluer tous les convives, de faire un dernier sourire contrit, de se dire à très bientôt, de partir en couple, encore quelques instants avant que la porte ne se referme, définitivement, sur notre vie commune, bien trop courte, bien trop belle pour qu’elle ne soit complètement réelle.

      La soirée s’achève. Le temps de se séparer, de se dire adieu, à jamais, de ne laisser paraître l’émotion, de s’abandonner sans effusion, sans amour acheté, dans l’ascenseur, loin des regards, de lâcher quelques billets de banque froissés, de tirer définitivement un trait et, quand s’ouvre les portes, sans se retourner, de prendre chacun sa direction…

    (FIN...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.