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Roman en cours d'écriture

  • Une rencontre singulière

    0.

     

    Je t'ai contournée et me suis rangé derrière toi. J'ai retrouvé le lacet que j'avais fiché dans la poche de mon pantalon avant de te rendre visite. J'en ai saisi les deux extrémités. J'ai écarté les mains jusqu'à en sentir la discrète vibration provoquée par sa tension. J'ai dressé lentement les bras. Avec minutie, je les ai passés par-dessus ta tête. Un instant, ils se sont immobilisés comme suspendus dans le temps, puis prestement, d'un mouvement ovoïde plongeant, j'ai appliqué le lien sur ton cou, replié les bras et tiré fermement.

    Tu as crié.

    J'ai exécuté une pression supplémentaire. Tes cris se sont étouffés. Tu t'es débattue. J'ai contracté mes muscles pour te maintenir captive. Ton dos est venu se plaquer contre moi. Un temps qui parut infini a figé nos deux corps. Tes cheveux ont caressé mon visage. J'ai enfoui mon nez dans ta chevelure et j'ai respiré à plein poumon ton odeur enivrante. Mon sexe s'est raidi dans la raie de tes fesses. Ton corps en nage contre le mien en transe, j'ai failli succomber...

    Je n'en ai pas eu le temps. A la vie, à la mort, tes forces se sont démultipliées. J'ai senti tes muscles trembler, ton corps vibrer de sa toute dernière énergie. J'ai eu toutes les peines du monde à te contenir.

    Il a fallu en finir.

    Le miroir mural diffusait en direct la scène. Je t'ai vue te débattre, te désarticuler. J'ai vu ton joli visage poupin grimacer de terreur, le trait régulier de tes sourcils se rompre de douleur, l'iris olivâtre de tes yeux exorbités se pimenter de larmes sanguines, la mélasse sortir du bout de ton nez à croquer et couler le long du sillon jusqu'à l'ourlet de tes lèvres purpurines, la blancheur de tes dents jaillir de la pénombre de la cavité de ta bouche béante, la langue déjà raidie, déjà inanimée. J'ai vu le sang monté au visage. J'ai vu ta souffrance, ta suffocation jusqu'à ton agonie. J'ai tout vu et je ne suis pas venu à ton aide, Mérimée.

    J'ai juste shooté dans le vase olive posé sur le parquet. Le miroir s'est brisé en mille morceaux dans un fracas cristallin ponctué par un dernier râle. Un dernier souffle s'est échappé. Pas eu le temps de le retenir et l'enfermer hermétiquement dans une petite bouteille pour le garder à jamais! Trop tard, la vie s'est éteinte. Tes muscles se sont relâchés, ton corps s'est assoupli, s'est amolli, est devenu collant, élastique. Une dernière fois j'ai plongé mon visage dans ta chevelure Mérimée, rempli mes poumons de ton odeur inoubliable. Une larme a coulé sur ma joue. J'ai desserré l'étreinte du lacet. Je t'ai laissée choir délicatement. J'ai salué une dernière fois ce corps recroquevillé sur le plancher, en position fœtale, déjà abandonné aux primes effluences de la mort. J'ai repoussé l'interrupteur de la lumière, tiré la porte et laissé là notre vie à jamais ébréchée.

     

    Extrait de roman Jack O. Monster, © 2007, tous droits réservés