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Station-service (PART II)

  Le café fume dans la tasse. La mousse brunâtre bruisse comme une surface vivante. Je transperce son mince manteau avec la cuillère que je tourne machinalement en raclant les bords. La mousse se désagrège. Le reflet de mon visage apparaît. Je demeure le regard hagard face à son miroir noir.

« Tout se passe comme vous voulez monsieur ? »

  La sonorité de la voix est agréable à l’oreille. Je relève lentement la tête, délaissant le spectacle qui se joue dans ma tasse. J’aperçois une étoffe blanche à rayures orange dont le parfait alignement vertical se fourvoie à l’approche de la proéminence de la poitrine ; la peau mate d’un cou désaffublé de son collier ; la fugitive suavité d’un sourire esquissé, l’insouciante prévenance d’un regard vert amande. La serveuse se dresse juste face à moi, derrière le bar.

« C’est parfait ! Je suis juste un peu fourbu, lui dis-je en  m’étirant, c’est mon premier arrêt ! 

 Ah ! Et vous venez de loin ? s’enquière-t-elle.

-   De la frontière belge et, pour tout vous dire, je me rends dans le sud de l’Espagne à Cadiz.

-  Hé ! Vous n’êtes pas arrivé alors ! clame-t-elle. »

Elle ne se départit pas de son sourire. Je porte la tasse à ma bouche. Une exhalaison d’aromes de grain de café grillé m’envahit ; la première gorgée met en émoi mes papilles gustatives.

« Pas vraiment, non ! Mais je ne suis pas pressé, dis-je en prenant mes aises. »

La serveuse repart. Un client vient d’arriver. Elle m’a lâché un : « je reviens ! » qui m’a semblé empreint d’une certaine complicité, peut-être illusoire.

  Je l’observe s’afférer avec le client à l’autre bout du long comptoir. Il me semble qu’elle lui sourit. Lui dit-elle les mêmes mots ? Le reflet du miroir me renvoie son image de dos. Je m’imagine enlacer son corps, le serrer tout contre moi, les bras croisés sur le ventre, les mains plaquées sur les hanches et, dans un accès de tendresse mêlée de désir, baiser sa nuque. Je décroise mes doigts et chasse cette pensée. Ma tasse est vide.

  L'employée revient vers moi. Son sourire ne l’a pas quittée. Elle se place face à moi et entreprend de laver quelques tasses. Quand elle se penche sur l’évier, son tablier s’entrouvre et point la naissance de ses seins ; l’étoffe dentelée du soutien-gorge alors se gondole et, le temps éphémère d’un regard honteux, j’entrevois la rosace pourpre du mamelon. Ma gorge s’assèche ; difficile de résister, de ne pas regarder. Elle relève subitement la tête. Je rougis. Je bafouille quelques mots : « Elodie, c’est un joli prénom ! 

Ah, vous aimez ?  dit-elle d’un air amusé.

Pardon ? Si j’aime quoi ?

Eh bien mon prénom !

Ah oui ! Je l’ai vu sur votre badge. Je ne me suis pas rendu compte que je le lisais à voix haute. Je suis désolé ! dis-je confus.

-  Ne soyez pas désolé, cela me fait plaisir ! répond-t-elle enchantée.

Je reprendrais bien un…

Oh, je vous laisse, un car de touristes vient d’arriver ! »

Je la vois repartir prestement, me laisser seul avec ma tasse vide et mon envie de café saupoudré de son doux parfum.

 (A suivre...)

 Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

 

Commentaires

  • Le reflet du miroir me renvoie son image de dos. Je m’imagine enlacer son corps, le serrer tout contre moi, les bras croisés sur le ventre, les mains plaquées sur les hanches et, dans un accès de tendresse mêlée de désir, baiser sa nuque. Je décroise mes doigts et chasse cette pensée. Ma tasse est vide

    J'aime particulièrement ce passage, cette manière de décrire l'attirance d'un instant et le pouvoir de l'imagination de l'esprit! Et puis plus rien la tasse est vide autant que son réel...

    Bravo j'aime.

    Amitiés.

  • Comment fais-tu pour apercevoir ton reflet dans une tasse de café noir ??????

    J'aime cette rencontre, ces regards posés sur Elodie, ces pensées qui vont vers son corps....C'est tendre, doux, posé

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