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  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part VI et FIN

    - Je ne voulais pas… je…

     

    Je bafouille, je n’arrive pas à m’exprimer correctement. Et s’il disait la vérité ? Qui dois-je croire ?

     

    - Allez-vous-en ! Si c’est votre choix, dégagez ! Restez dans l’ignorance, faites donc ce qu’ils attendent de vous…

     

    Il s’est ressaisi. Il est détaché à présent. Il ne se soucie plus de moi, je ne l’intéresse plus.

     

    - Très bien, prouvez-moi ce que vous avancez !

     

    Je n’ai pas réfléchi, j’ai prononcé ces mots spontanément. Je veux comprendre, lever le rideau sur tous les mystères qui m’entourent. Je suis épuisé, vidé. Cet homme est peut-être le seul espoir de connaître la vérité…

     

    - Vous êtes du secteur rouge n’est-ce pas ?

    - Non, du vert je crois…

    - Vraiment ?

    - Oui secteur de mutation génétique !

    - C’est ce qu’ils vous ont dit ?!!

    - C’est faux ?

    - Certainement ! Mais peu importe, suivez-moi !

    - Où allons-nous ?

    - Dans la clinique, vous vouliez une preuve non ?

    - On ne va tout de même retourner là bas!

    - Pourquoi pas ! Vous savez après trente ans passés dans cet institut, je ne vais pas chipoter pour quelques minutes supplémentaires!

    - Mon Dieu … trente ans ?

    - Oh, je ne suis pas à une année près non plus. Je dois justement récupérer ma vie pour connaître les détails de mon incarcération. Ca ne vous fera pas de mal non plus de connaître votre véritable identité !

    - Comment êtes-vous arrivé ici ?

    - Je suis censé être mort à la naissance je crois… tout du moins j’imagine que c’est comme ça qu’ils s’y prennent.

    - Je suis arrivé ici il y a deux semaines. Je me suis arrêté dans la cantine, je croyais qu’il s’agissait d’une station service. Ils m’ont…

    - Qu’est-ce que vous racontez ? Si vous étiez en secteur vert, vous n’avez rien connu d’autre que cette clinique ! Vous avez été transféré il y a bien longtemps !

    - Non !

     

    Il se trompe. C’est une effroyable machination. Ils conspirent tous pour me rendre fou mais je ne céderai pas. Je sais dorénavant que je ne peux leur faire confiance, Vassilia, cet homme… tous !

    Je ne suis qu’un pantin qu’ils manipulent. Je dois être plus fort qu’eux, ils me sous-estiment. Je n’ai pas dit mon dernier mot. Ils se croient imbattable. Ils ont tort.

    Je vais les appâter, les laisser croire que je suis tombé dans leurs filets…

     

    - Où m’emmenez-vous ?

    - Je vais vous montrer ce qu’ils font dans cette clinique, les expériences qu’ils réalisent. Le cinéma sensoriel, vous connaissez ? Nous devons accéder au secteur Nord. Il faudra être discret. Ils doivent croire que nous sommes loin à présent. S’ils réalisent que nous les avons doublés, Dieu seul sait ce qu’ils nous feront…

    - Le cinéma sensoriel ?!

    - Écoutez-moi bien. Tout ce que vous pensez savoir est faux. Votre mémoire a été paramétrée, vos souvenirs ne sont qu’illusions… Ils vous ont créé une vie, un passé. Ils ont façonné votre cerveau ! Nous sommes inconnus aux yeux du monde, nous devons récupérer ce qui nous appartient ! Ils croyaient pouvoir nous reclasser, étudier nos comportements à l’extérieur mais je ne me soumettrai pas à leur autorité. Ils nous contrôlent depuis si longtemps… Oubliez votre station-service, c’est une belle fumisterie !

    - Quel rapport avec un quelconque cinéma ?

    - C’est une technique qu’ils emploient, ils vous placent devant un écran et les images qui défilent pénètrent votre cerveau. Vos souvenirs proviennent de là. Vous verrez sur place de vos propres yeux. Allons-y !

     

    Je pourrais courir, m’évader, le planter là et filer à travers les bois. Mais je m’apprête à suivre cet homme dans l’antre de mes cauchemars. Je ne suis même plus certain que ce soit réel. Et si cette journée n’était qu’une simulation devant un écran ? Je regarde autour de moi, tout paraît illusoire, superficiel…

    Je retourne sur mes pas en suivant cet inconnu et soudain je la vois…

     

    Elle est entourée de deux hommes, ils échangent des regards complices. Je peux entendre des éclats de rire à quelques mètres de moi. Un quatrième individu s’approche d’eux. Une poignée de main à chacun. Son sourire ne la quitte plus.

    Dissimulés derrière un petit muret de pierre, deux hommes les épient.

    C’était donc un traître… Cette salope m’a trahi et savoure sa victoire avec d’autres agents de la clinique. Je voudrais la tuer, l’étrangler de mes propres mains, sentir ses os se briser entre mes doigts…

     

    - Félicitation messieurs… Mademoiselle Peters, votre intervention était remarquable. Votre patient a franchi les épreuves avec succès. Vous le féliciterez de la part de toute l’équipe psychiatrique Château du Grand Air. Il est inoffensif à présent et prêt à réintégrer la société.

    - Merci monsieur. Mais il avait des dispositions. J’étais convaincue qu’il réussirait !

    - Vous avez été admirable mademoiselle. Monsieur Lionel… tout est en ordre ?

    - Oui Monsieur. Ces papiers sont prêts. Nous n’attendons plus que lui.

     

    L’homme à mes côtés parait comblé. Il avait raison, la fierté se lit sur son visage. Il était donc le seul à dire la vérité. Je balbutie un rapide « merci »…

    Il ne cesse de me regarder, il semble satisfait. Ses yeux étincellent, une lueur de folie s’en dégage et m’éblouit. Je détourne mon regard rapidement. Quelque chose ne va pas. Il ne me dit pas tout, je sens qu’un événement terrible va arriver.

     

    Elle est en face de moi, ses gardes du corps sont derrière elle. Elle porte un tailleur noir à présent. Une longue blouse blanche en guise de manteau.

    Je ne les ai pas vus approcher. Ils nous ont eus, nous sommes perdus. La panique s’empare de moi, je sens les larmes couler sur mes joues malgré moi. Nous étions si près du but, j’avais enfin démasqué les traîtres. J’aurais dû fuir alors qu’il en était encore temps. La vérité ne me servira plus à rien. Ils vont recommencer leur traitement, me conditionner à nouveau…

    Etrangement, il ne se passe rien. J’attends, impassible, qu’ils se jettent sur moi, m’empoignent et me rouent de coups. Je ne vois ni seringue, ni arme susceptible de m’obliger à les suivre.

    Mon acolyte se lève doucement, me tend une main ferme et m’invite à faire de même.

     

    - Vous vous sentez bien Monsieur ?

     

     

    Nous sommes au bord du gouffre et il se demande comment je vais. Ce type est réellement fou. Il ne songe pas un instant à fuir. Il parait résigné.

    Vassilia m’offre sa main à son tour…

     

    - Bonjour Monsieur. Nous vous devons une explication. Je me présente, je m’appelle Marie Peters, je suis votre médecin traitant.

    - …

    - Vous avez été admis ici dans le cadre d’une étude sur des patients atteints de déviances sexuelles. Vous avez accepté de suivre un nouveau traitement dans cette clinique.

    - …

    - Suivez-nous, nous allons tout vous expliquer…

    (Fin...)

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    Merci,

    MonsterJack

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part V

    Je me sens mal, je l’ai abandonnée, je l’ai laissée seule face à un danger auquel elle ne peut faire face. Ils vont la tuer, c’est inéluctable.

    J’ouvre le dossier, la dernière chose qu’il me reste d’elle.

    « Vince Thierry, 43 ans. Informaticien. Célibataire, sans enfant. Un homme sourit sur la photo. Il est bronzé, détendu… »

    Je suis étranger à ma propre vie. Une adresse figure au dos, je ne la connais pas.

    Un passeport, un permis de conduire… rien d’autre !

    Cette identité me laisse froid, aucun souvenir ne me revient. Aucune émotion particulière ne m’a traversé.

    Je ne me souviens plus ce que je faisais en Belgique, où j’allais en Espagne… Tout s’est effacé ! Je regarde à nouveau l’adresse : elle se situe à Paris. Quel est le rapport ? Je suis perdu, seul et anéanti.

     

    Un bruissement me fait sursauter.

    Une main glacée se place devant ma bouche et m’empêche de crier. Un bras m’attrape, un couteau glisse sous mon cou.

    Ils m’ont retrouvé. Je suis peut-être déjà mort. Je n’ai pas été assez prudent. Ma curiosité aura été fatale.

     

    - Qui est-vous ? Que faites-vous ici ? Répondez !

     

    Il s’agit d’un homme. Il ne va pas tarder à appeler la brigade anesthésiante !

    Je suis bloqué, aucune autre alternative ne s’offre à moi.

     

    - Je ne sais même pas qui je suis, vous m’avez tout volé, vous avez détruit ma vie, espèce de …

    - Chut ! Ne criez pas !

    - Qu’est-ce que …

    - Je vais retirer le couteau de votre gorge, ne bougez pas ou je vous tue !

     

    Il lâche son emprise et retire la lame précipitamment. Je n’ose le regarder, mes membres se figent. Je le soupçonne de tout, sans pour autant pourvoir imaginer quoi que ce soit. Peu importe à présent. Je serai mort d’ici peu. Ils vont surgir de toute part et se jeter sur moi, me lyncher sans pitié et enterrer mon corps dans quelque endroit retiré.

    Il me dévisage, je sens son regard se promener sur moi, pénétrer mes vêtements, agresser mon corps, pénétrer mon âme et s’enivrer de ma peur.

    Il ne me menace plus à présent. Je regarde autour de moi, il est seul !

    J’essaie d’élaborer un plan, chercher une issue…

    Il faut que je trouve une arme, un bâton ou peu importe! Je dois me protéger.

     

    - Calmez-vous ! Ne songez pas à me berner, vous n’avez aucune chance !

     

    Il parle assurément. Il reste très calme, maître de son corps, de ses émotions. La situation ne semble pas l’effrayer. Pourtant le combat est égal. Il mesure moins d’1m80, sa carrure n’est pas impressionnante. J’ai mes chances, je dois seulement faire attention au couteau. Si j’arrive à m’emparer d’une pierre, d’un …

     

    - Écoutez-moi, je crois que nous sommes dans la même situation vous et moi ! J’ai été interné au Château du Grand Air et je me suis échappé ou plus exactement, on m’a libéré !

    - Vous ne m’aurez pas avec vos mensonges. Que lui avez-vous fait ? Est-elle encore vivante ? Dites-moi que vous ne l’avez pas tuée !

    - De qui parlez-vous ?

    - Vassilia ! Si vous avez touché un seul de ses…

    - Vous êtes encore plus stupide que vous en avez l’air !

    - Je ne vous permets pas ! Après tout ce que vous m’avez fait subir ! Comment osez-vous…

    - Arrêtez de crier, je vous en prie ! Ils vont finir par nous repérer avec vos conneries !

    - Qui ? Les patients ? Ils se sont échappés ?

    - Et si vous me laissiez vous expliquer la situation au lieu de poser des questions inutiles ! Vous êtes très loin du compte !

    - Très bien ! Parlez mais ne croyez pas que vous allez encore pouvoir me manipuler !

    - Par où commencer ? Vassilia par exemple, Julia, Valérie ou peu importe. Ce sont des prête-noms ! Cette femme vous a piégé mon cher ! Mais soyez rassuré, je me suis laissé prendre à la supercherie également ! Sur le coup seulement ! J’ai été plus malin qu’eux, je n’ai pas suivi leur plan, j’ai…

    - Je ne comprends rien ! Qui sont ces personnes Valérie … ?

    - Ce sont la même personne ! Peu importe, elle était chargée de vous aider à vous échapper ! Vous êtes le sujet d’une étude expérimentale, comme je l’ai moi-même été. Ils s’intéressent au reclassement d’individus considérés comme dangereux.

    - Vassilia… une traître ?

    - Pire que ça mon vieux…

    - Mais … ils nous poursuivaient, elle s’est fait prendre, peut-être a-t-elle été torturée ?

     

    Un fou rire s’empara de l’individu. Se moquait-il de moi ? La peur laissa place à l’indignation puis la colère m’envahit. Je ne peux pas croire ce que ce fou me raconte. Il s’agit peut-être d’un patient en effet mais il est complètement dégénéré !

     

    - Vassilia m’a sauvé ! Grâce à elle, je sais qui je suis à présent : Vince Thierry et je vais rentrer chez moi de ce pas !

     

    Il éclate de rire, juste devant moi. Il ne cherche pas à se cacher. Il me défie par son arrogance.

     

    - Je pars ! Vous êtes … dingue !

    - Allez ou vous voudrez,  réussit-il à articuler entre deux spasmes ! Si cette vie vous convient, profitez-en bien M. Thierry ! Mais dîtes-moi… quelle ville vous a été attribuée ?

    - Attribuée ?

    - Oui ! Où êtes-vous censé habiter ?

    - Je… à Paris…

    - C’est une belle ville, vous avez de la chance. Ma pioche n’a pas été aussi bonne !

    - Vous divaguez !

    - N’insultez pas mon intelligence !

     

    Il s’est mis à hurler soudainement. Cet homme est plus atteint que je ne le pensais. Il était euphorique quelques secondes auparavant. La peur me noue le ventre à nouveau. Il m’effraie, je suis désemparé, anéanti…

     

    (A suivre...)

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

     

     

  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part IV

    Elle se lève en posant délicatement sa main sur mon épaule. Ce contact, si infime soit-il a éveillé en moi un désir insensé, celui de la posséder. Elle m’est inaccessible et pourtant…

    Mon corps est submergé par une libido incontrôlable. Je ne suis plus maître de mes sens.

    J’ai cette impression soudaine de n’être qu’un pion pour cette femme si mystérieuse. Ne suis-je pas à nouveau le sujet d’une étude expérimentale ? Et si tout était programmé ?

    Il faut que je chasse ces idées de ma tête, que je me fasse une raison.

    Elle m’a sauvé ce matin, c’est indéniable. Je dois lui faire confiance et la suivre aveuglement. Elle seule peut me tirer de là…

    Elle sort un dossier jusqu’à présent dissimulé sous sa veste et me le tend…

    Je m’en empare. Je souhaiterais l’ouvrir et en découvrir le contenu mais elle ne m’en laisse pas le temps. Elle gravit déjà les marches et je n’ai d’autres choix que de lui emboîter le pas…

    J’ai la désagréable impression de tenir ma vie au creux de ma main, un ensemble de documents qui pourrait m’éclairer, me délivrer de la prison de l’oubli…

    - Nous devons rejoindre la sortie de secours à l’Ouest au fond du bâtiment.

    - Vous connaissez le chemin ?

    - Oui, suivez-moi mais ne faites aucun bruit. Nous risquons d’être repérés. Nous devons progresser rapidement et discrètement à travers les couloirs. Ils doivent nous chercher à l’Est, nous avons peut-être une chance…

    - A l’Est ? Pourquoi là bas ?

    - Votre cellule était de ce côté-là. Taisez-vous à présent…

    Nous remontons en silence l’escalier sinueux. Je la suis de près, je ne veux pas la perdre. Je sens que les prochaines minutes vont être décisives…

    Je serre le dossier contre ma poitrine, sa valeur est inestimable.

    Je reconnais la petite salle en haut : elle est vide, le silence règne. Je me risque à ouvrir la porte donnant sur le couloir…

    - Nous devons retourner à l’embranchement où nous avons été bloqués. La sortie est par là-bas…

    - Je n’ai pas d’autres choix que de vous faire confiance ! Je

    - Silence !

    Elle avance prudemment, à pas feutrés. Son sens de l’orientation me paraît soudain confus. Est-elle vraiment fiable ? Ne s’est-elle pas égarée ?

    Elle semble sure d’elle tout à coup et s’élance vers la droite dans un couloir semblable à tant d’autres.

    - Vous êtes sure de vous ?

    - Taisez-vous insouciant ! S’ils nous trouvent…

    De longs couloirs rectilignes et des dizaines de portes fermées sur l’inconnu défilent sous mes yeux au fur et à mesure que nous évoluons dans ce labyrinthe…

    Je ne sais même plus depuis combien de temps nous avons quitté notre cachette. Notre expédition n’a pas de fin. Elle semble interminable…

    Mes doigts se crispent sur la pochette, je suis terrifié à l’idée qu’une seule feuille puisse tomber. Je suis impatient de découvrir la vérité, celle qu’ils m’ont arrachée sans scrupules…

    Je suis conscient à présent du danger qu’elle a prit en me délivrant. Je lui dois ma vie, celle qu’il me reste à travers ses pages…

    Elle s’est arrêtée et me fait face. La panique se lit sur les traits de son visage. Son front s’est plissé, ses yeux ne brillent plus du même éclat.

    Elle se mord la lèvre inférieure avec anxiété. Je la sens perplexe comme si une décision s’imposait dans la seconde.

    J’aperçois alors le panneau tant attendu « sortie de secours » juste devant elle.

    Je ne comprends pas, que fait-elle ? Elle hésite naïvement à poursuivre son chemin.

    - Mes papiers…

    - Ce sont les miens !

    - Non pas ceux-là… j’ai oublié de prendre les miens ! Je dois y retourner. Ils me retrouveront sinon, ils me poursuivront. Je dois récupérer ce qui m’appartient. Ils ne doivent pas savoir où j’habite. Ma fille serait en danger, je ne peux pas les laisser faire…

    - Vous êtes folles ! Ils ont certainement déjà pris possession de vos effets personnels. Quittons ces lieux rapidement tant que nous en avons la possibilité.

    - Partez ! Fuyez, je dois y retourner.

    - Jamais sans vous ! Vous m’avez sauvé aujourd’hui. Je ne vous laisserai pas vous jeter dans la gueule du loup Vassilia. Vous pourrez déménager avec votre fille, fuir la ville, le pays si besoin. Allons-y !

    - Vous ne comprenez pas de quoi ils sont capables Vince…

    - Vince… ?

    - Partez ! Je les entends arriver…

    Elle ouvre la porte avec fracas, la lumière du jour m’aveugle. J’entends des coups de sifflet derrière nous. Je lui lance un dernier regard la suppliant de m’accompagner mais elle reste devant la porte stoïque.

    Le temps semble s’être arrêté l’espace d’un court instant. Ses yeux si doux, son corps frêle semblent soudain condamné à une mort certaine. Je suis bouleversé mais la peur l’emporte et je détale.

    - Vous trouverez l’autoroute, droit devant ! Traversez la forêt, vous tomberez dessus dans un ou deux kilomètres... Bonne chance !

    Ses dernières phrases hantent mon esprit. Je ne me suis pas retourné. J’ai atteint l’orée des bois. Je ne sais pas ce qu’ils lui ont fait. Je n’ai entendu aucun cri, aucune plainte…

    Je suis couché derrière un tronc d’arbre, je n’entends aucun bruit. Personne ne semble m’avoir suivi. Je suis sauvé et pourtant…

     

    (A suivre...)

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

     

  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part III

     

    - C’est un nom choisi au hasard, ne vous focalisez pas dessus. Tout ce qu’on vous a dit est faux, rien n’est réel. Les doses que vous avez reçues devaient vous faire oublier toute cette histoire. Ils voulaient supprimer votre mémoire. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, pourquoi ils n’ont pas réussi… C’est pour cela qu’ils ont décidé de vous changer de secteur. Votre corps ne réagissait pas au traitement…

    - Alors ils ont voulu muter mon cerveau ?

    - Oui, c’est ce que j’ai entendu mais vous savez, je n’étais pas dans la confidence. Je suis dépassée également…

    - Dans la station… la cantine ou je ne sais quoi, vous avez discuté avec un serveur. Vous sembliez le connaître non ?

    - C’est exact. Il s’agit d’un collègue avec qui j’ai étudié l’anatomie d’un groupe de cellules. Il venait aux nouvelles pour voir si j’arrivais à vous retenir. Jusqu’à présent, il m’était sympathique. Mais hier soir, il était agressif, il m’a fait peur. Ils se sont servis de moi également…

    - Vass ? Vassilia ?

    - …

    - Répondez

    - Vassilia.

    - Très bien Vassilia, comment expliquez-vous qu’un car de touristes soit arrivé dans la station service ce jour-là ? S’il s’agit d’un hôpital, que faisaient-ils là ? Ne me dites pas que c’est une coïncidence : tout d’abord moi, puis un car de touriste… cela fait beaucoup le même jour !

    Je suis apaisé, je viens de la piéger. Tout ce que cette folle me raconte ne tient pas la route. Je la regarde, elle parait éteinte, prête à me livrer enfin la vérité.

    Une étrange beauté se dégage d’elle à présent. Ses yeux scintillent de mille feux. Ses larmes sont-elles fausses également ? Je peux m’attendre à tout à présent. Je n’ai pas confiance en elle. Sa beauté n’est peut-être pas réelle. Je m’attends à la voir retirer son masque et découvrir un visage abject et difforme.

    Je ne sais plus quoi penser, le bien-fondé de la situation m’échappe.

    Son doux regard me perturbe, elle me paraît sincère à nouveau.

    - C’était un car de patients… Vous ne vous souvenez plus ? Ils ont tous hurlé lorsque vous avez tenté de vous enfuir…

    - Que dites-vous ? Je me suis enfui ?

    - Oui… Lorsque vous avez décidé de reprendre le cours de votre voyage, ils n’ont pas réussi à vous retenir plus longtemps. Ils n’avaient pas d’autre choix que de vous appréhender. L’heure du petit déjeuner approchait pour les patients du secteur rouge, il fallait vous évacuer au plus vite.

    - Vous semblez bien renseigné pour une simple laborantine Vassilia.

    - Je… je n’ai compris que tout cela très récemment. Je vous assure, je suis une victime, ils se sont servis de moi !

    - Comment m’ont-ils arrêtée ?

    - Après que vous … que cette Elodie et vous avez…

    - On se comprend, continuez…

    - Vous avez voulu régler la note et ils se sont jetés sur vous…

    - Je ne me souviens pas de cela.

    - Ce sont les médicaments, essayez de vous souvenir… Je ne connais pas exactement les détails mais vous avez réussi à vous libérer de leur emprise et à retourner la seringue contre cette Elodie …vous l’avez menacée ! Le personnel a perdu le contrôle, les patients en ont profité pour se rebeller. Vous avez créé la panique dans le local. Les infirmiers n’étaient pas assez nombreux. Mais ils ont pu sonner l’alarme à temps…

    - Que voulez-vous dire ?

    - Les renforts ont réussi à maîtriser la situation. On vous a assommé et vous avez été transporté dans une cellule.

    - C’était il y a combien de temps ?

    - 2 semaines… environ

    - Mon Dieu … Quel jour sommes-nous ?

    - Le 19 mai…

    - De quelle année ? Je ne me souviens plus de rien…

    - Vous êtes arrivé le 4 mai au matin. Nous sommes en 2008 monsieur !

    - Et … je ne me souviens pas non plus de mon prénom, ni de mon nom …. Qui suis-je ?

    - Je vous ai amené vos papiers. J’ai réussi à les récupérer dans la réserve avant de venir à vous.

    - Mes papiers… montrez-les moi !

    - Nous avons peu de temps, il faut songer à fuir maintenant.

    - Non ! Je veux tout d’abord connaître tous les détails de mon incarcération… Est-elle morte ?

    - De quoi parlez-vous ?

    - Je l’ai tuée n’est-ce pas ? Elodie…

    - Non mais ils ont voulu vous faire croire le contraire.

    - Pourquoi ?

    - Vous l’avez à peine touchée. Ils ont réussi à vous empoigner à temps. Je ne peux vous en dire d’avantage, je suis hors-jeu depuis le début. Je n’ai aucune idée de ce qu’il se trame ici. Je ne connais pas leur champ d’action. Je sais simplement qu’ils voulaient contrôler votre esprit, effacer votre mémoire et y introduire de nouvelles données. Mais le traitement n’a pas fonctionné sur vous. C’est pourquoi ils ont décidé de procéder à une nouvelle expérience : la mutation.

    - Je ne suis donc pas dangereux ?

    - Je n’en suis pas sure… avec tout ce que votre cerveau a subi ! Ils ont tout fait pour vous persuader que vous l’étiez. Ils y sont peut-être arrivés…

    Je tente vainement de classer toutes ces informations et de les analyser pour en trouver le sens. Mon crâne me paraît lourd, j’ai tellement de mal à rassembler les pièces du puzzle…

    Je n’arrive pas à me décider. Dois-je lui faire confiance ? Me dit-elle réellement tout ce qu’elle sait ? Je n’ose encore prendre une décision qui risque de m’être capital. Je manque de temps, je manque d’air, je manque de discernement…

    - Il faut vous décider maintenant ! Je ne vais pas rester dans cette pièce éternellement. Je vais sortir d’ici avec ou sans vous…

    - Mes papiers… où sont-ils ? Donnez-les-moi !

    (A suivre...)

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

     

  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part II

    - J’ai fait ce qu’il demandait. Un jour, ils m’ont proposé de leur rendre divers petits services. Mon profil de poste devenait plus vaste, j’ai eu le droit à une augmentation. Avec les temps qui courent, vous savez j’ai accepté, j’avais besoin de cet argent, je…

    - Oui je comprends, poursuivez…

    - J’ai appris que cet hôpital était composé de plusieurs secteurs, classés par « type de comportements ». Le vôtre était vert, ce qui signifie « mutation génétique », le rouge pour les « cas extrêmement dangereux », le bleu pour ceux qui ont perdus toute notion de temps…

    - Qu’est-ce que cela signifie ?

    - Je n’en sais pas plus, je n’ai pas vraiment posé de questions… J’ai entendu dire que certains patients étaient présents depuis plusieurs années, qu’ils n’avaient plus d’existences légales. Les patients sont parfois transférés d’un secteur à l’autre…

    - Ils sont censés être mort ?

    - Je ne sais pas, peut-être qu’ils n’ont jamais existé…

    - Vous voulez dire qu’ils seraient nés ici ?

    - Je n’en sais pas d’avantage, je vous jure, je n’aurais jamais dû m’engager dans cet institut. Pourquoi ai-je postulé dans cet hôpital ? Mon dieu…

    - Calmez-vous…

     

    Elle sanglote à présent, ces phrases sont saccadées. Je ne comprends plus ce qu’elle me dit.

    Je me rapproche d’elle et l’attire contre moi. Je voudrais tellement l’aimer ici, en cet instant, dans cette pièce.

    Mais elle me repousse vivement…

     

    - Ne… ne me touchez pas, vous êtes dangereux, je vous l’ai déjà dit !

    - Je … non je ne crois pas. Pourquoi dites-vous cela ? Dites- en moi plus, dites-moi tout ce que vous savez, j’ai besoin de comprendre.

    - Les doses que vous recevez depuis tout ce temps… Elles vous rendent fou, c’est l’objectif, leur objectif d’enlever toutes les nuances votre esprit.

    - Je ne comprends pas, pourquoi font-ils ça ? Depuis combien de temps suis-je ici ? Que se passe t-il dans cet hôpital ? Vous avez parlé d’une mutation?

    - Oui, votre esprit allait muter. Ce matin, ils devaient vous injecter la première des quatre doses…

    - Je suis persuadé de vous avoir déjà vue dans une station-service, il y a peu de temps…

    - Non, vous devez vous tromper, je vous assure…

    - Vous n’avez pas l’air convaincu

     

    Ses grands yeux s’emplissent soudain de larmes. Des spasmes de désespoir l’envahissent. Elle hoquette à présent.

    Je suis fatigué, je ne sais pas si elle ment ou si elle est aussi perdue que moi…

     

    - Dites-moi la vérité Vass … Je suis si las…

    - C’est vrai, cela faisait partie d’une mission que l’on m’avait confiée…

    - …

    - Vous êtes arrivé par erreur dans notre centre. Ce n’était pas une station-service mais une annexe de notre hôpital. Il s’agit en réalité de notre cantine. Elle sert de réfectoire aux patients et de cantine ou de salle de repos au personnel selon les horaires…

    - Vous voulez dire que je suis tombé au mauvais endroit au mauvais moment ?

    - Peu importe l’heure à laquelle vous seriez arrivé… Ils vous auraient arrêté de toute façon.

    - Qui ça « ils » ?

    - Le personnel soignant, l’équipe présente au moment de votre arrivée…

    - Je ne comprends pas… Je suis rentré dans les toilettes sans encombre, j’ai commandé à manger, j’ai rencontré des serveuses… C’est impossible !

    - Ils ont tout organisé lorsqu’ils se sont aperçus qu’un intrus avait pénétré dans leur établissement. Très rapidement. Ils voulaient vous retenir, vous empêcher de quitter les lieux. Vous ne deviez en aucun cas dévoiler l’emplacement de l’hôpital, c’était trop risqué pour eux…

    - Mais les serveuses ?

    - Des infirmières …

    - Les clients présents dans la salle ?

    - Le personnel de notre centre…

    - C’est impossible…

    - Ils vous ont vu arriver sur le parking, prendre de l’essence… Ils ont mis en place les acteurs pour votre arrivée…

    - Vous en faisiez partie ?

    - Oui mais je ne savais pas ce qu’ils allaient vous faire… Je pensais juste que c’était sans importance… une petite arnaque…

    - Pardon ?

    ­- L’homme que vous avez rencontré dans les toilettes…

    - Oui je m’en souviens vaguement…

    - Il vous observait. La serveuse qui a pris votre commande était chargée de vous questionner. Tout le monde était dans le coup je peux vous l’affirmer.

    - Et Elodie ?

    - Je ne connais pas d’Elodie…

    - J’ai fait l’amour avec cette femme !

    - Ah… celle-là …

    - …

    - Je la connais vaguement. Elle travaille dans un secteur que je ne connais pas. Je la croise de temps en temps au réfectoire…

    - Quel a été son rôle ?

    - Celui de vous retenir le plus longtemps possible comme nous tous.

    - Elle aurait pu s’y prendre autrement !

    - Elle a respecté son contrat. La récompense devait être à la hauteur…

    - Vous êtes tous fous dans cet hôpital. C’est vous que l’on devrait enfermer !

    - Pardonnez-moi – soupira-t-elle.

    - M. Raspa…Raspank…

    - M. Raspankov …

    - Pourquoi ce nom là ?

    (A suivre...)

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

     

  • Station-service - La fin alternative d'Amicie - Part I

    Avant-propos.

     

      La plupart du temps on ne connaît pas ses lecteurs. Parfois l’un d’eux se manifeste par un commentaire, parfois le besoin se faisant plus pressant, un e-mail tombe dans votre courrier et puis, à quelque moment, un lecteur tapi dans l’ombre de vos mots, vous fait parvenir la fin d’une de vos histoires. C’est un vrai bonheur qui me confirme, si besoin était, la raison de ma présence ici.

      Aujourd’hui, c’est Amicie qui a imaginé et écrit la fin de Station-service. Son texte se fond littéralement dans l’ambiance de l’histoire et la psychologie des personnages est si bien respectée, que d’évidence elle s’impose non seulement comme fin alternative mais aussi comme faisant partie intégrante de Station-service.

      A toi, chère inconnue venue te perdre dans mon univers, je te remercie chaleureusement pour ce partage. Mais es-tu vraiment sûre que le fait d’en écrire sa fin te permette d’en échapper ?

    Bienvenue à la Clinique Psychiatrique  Château du Bel Air !

     

    MonsterJack

     

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    Station-service – La fin alternative d'Amicie – Part I

     

    Elle court devant moi, j’ai volontairement laissé une distance de deux ou trois mètres pour la dévorer des yeux. Ses courbes dansent à chaque virage, ses jambes effilées bondissent avec grâce.

    Ses bras valsent le long de ses hanches, elle paraît déterminée et semble savoir où nous devons nous rendre.

    Je n’ose imaginer sa poitrine se balancer, ses seins se frôler et se percuter l’un l’autre.

    Son parfum m’enivre, un désir incontrôlable croît au plus profond de moi… 

    Le goût de sa chair doit être divin, je voudrais tant la posséder.

    Sa peau étincelle sous la lumière tamisée des néons, l’éclairage semble s’être atténué. Je ne suis jamais venu jusqu’ici auparavant, je ne sais pas où nous sommes. Les couloirs sont immenses, filandreux. Notre course s’avère interminable.

     

    Étrangement, je ne suis pas fatigué, je ne sens même plus mes jambes toucher le sol. J’ai l’impression de flotter, de planer à quelques centimètres du sol.

    Mon corps semble propulsé par un souffle continu. Une vague de bien-être s’empare de mon esprit.

    Je suis un étranger en ces lieux, je revois Elodie, loin, très loin…

    Il fait nuit, j’ai perdu Vass. Je n’ai aucune idée de ce qu’il m’arrive mais la douceur de l’air m’enivre. Je ne peux plus marcher, ni courir, je suis couché, ou peut-être suis-je encore debout. Je prospère dans un univers de quiétude. Je suis une particule qui flotte dans l’air. Mon corps s’est évaporé. Je me sens tellement bien …

     

    Elle s’est arrêtée brusquement. Je reviens à moi, elle me regarde affolée…

    Nous sommes à une intersection, deux chemins s’offrent à nous.

    Elle tremble, j’aimerais la serrer dans mes bras, l’étouffer de mon amour, ou l’étouffer tout court, je ne sais plus.

    Je vois ses lèvres bouger, de la sueur coule de ses longs cheveux noirs bouclés. Son odeur est divine, c’est un appel à l’érotisme qui se dégage de cette fille.

    Je ne l’entends pas, peut-être chuchote-t-elle trop doucement.

    Elle attrape vivement mon avant-bras, me tire en arrière.

     

    Des pas précipités se dirigent vers nous, je les distingue à présent. Des voix également. Je devine un homme et une femme à l’intonation, mais ils paraissent plus nombreux…

    - Dépêchez vous ! Vous êtes fou, ils vont nous tuer si nous restons là.

     

    Elle m’invite à faire demi-tour immédiatement. Mon cœur s’emballe, la peur s’empare de moi. L’air est moite, j’ai l’impression d’étouffer, toute euphorie s’est échappée de mon corps. Je suis si lourd à présent. Je peine à la suivre, l’étreinte de ses ongles m’arrache la peau…

    Nous longeons les couloirs en sens inverse et pourtant je ne reconnais pas les lieux.

     

    Une porte s’ouvre à la hâte, deux personnes s’y engouffrent. Elles nous ressemblent tellement. Elle si noble, lui tel un canard boiteux qui poursuit son mirage …

    Je ne me reconnais pas en lui et pourtant, me voilà aux côtés de Vass, refermant la porte derrière nous.

     

    - Il faut que l’on se cache…

     

    Sa voix est douce. Elle paraît si vulnérable. Je voudrais la rassurer, qu’elle se sente en sécurité mais mon esprit n’en est pas capable. Je suis moi-même perdu dans les méandres de la folie. Je suis certainement un danger pour elle. Je ne sais même plus qui je suis réellement ni ce dont je suis capable…

    - Au fond de la pièce, venez, il y a un cagibi !

    - Comme vous voudrez.

    - Ne vous inquiétez pas, ce sont les médicaments, ça va passer.

     

    Une petite porte en bois, un escalier en colimaçon, des marches plus étroites les unes que les autres et deux personnes qui descendent précipitamment.

    Mon corps ne m’appartient plus à présent. Mon esprit semble survoler leurs silhouettes. Il s’est échappé hors de sa carcasse humaine.

     

    Nous sommes blottis l’un contre l’autre au fond d’une petite salle qui ressemble à une cave. Le sol est sablonneux. L’air est lourd, j’ai du mal à respirer.

    Je sens un souffle chaud qui s’égare sur mon épaule. Elle semble calmée à présent.

     

    - Nous allons rester là quelques instants. Ils sont à notre recherche. Ils doivent savoir que je vous ai aidé à présent.

    - Que m’avez-vous fait ? Mon corps est si… je suis si faible.

    - Ce sont les anesthésiants qu’ils vous administrent chaque jour. Les effets vont s’estomper rapidement. Votre dernière piqûre remonte à plusieurs heures à présent. Reposez-vous une minute.

    - Où allons-nous ?

    - Il faut fuir, sortir de l’enceinte et chercher de l’aide.

    - De quelle expérience génétique parliez-vous tout à l’heure? Dites-en moi plus. Je veux savoir ce qu’ils m’ont fait…

    - Je suis dans le même cas que vous à présent. Mon dieu, qu’ai-je fait …

    - Que voulez-vous dire ?

    - Je me suis mêlée de ce qui ne me regarde pas, je suis une simple laborantine, je n’aurais pas dû m’occuper de vous. Regardez où cela nous mène. Je ne sais même pas si nous pourrons sortir, ils ont dû bloquer toutes les issues.

    - Parlez, dites-moi tout, je vous en prie…

    - Je suis arrivée ici il y a deux mois. J’ai trouvé cette annonce dans le journal. Mon expérience les intéressait. Ils voulaient quelqu’un qui ait du talent. J’ai cru… ils m’ont présenté la mission, je pensais…

     

    Je gagne en lucidité. Ma tête recommence à fonctionner. Je peux enfin sentir les objets qui m’entourent, entendre ma respiration, reprendre le contrôle de mon corps.

    Je distingue nettement la pièce à présent. Plongée dans une demi-obscurité, un filet de lumière descend par l’escalier. Elle ressemble à une cave mais aucun meuble, aucun objet ne l’habite. Elle est vide de sens, sans intérêt aucun …

     

    - Continuez…

    - Je suis arrivée dans leur laboratoire pour une simple recherche génétique sur des embryons animal. J’avais pour mission d’analyser différentes souches afin de trouver un antidote pour un virus du nom d’ « EXO IV ». Je suis une simple laborantine vous savez, je n’ai pas posé de questions, je faisais mon travail, il était très simple d’ailleurs. Il suffisait de suivre le protocole. Mais leurs agissements étaient étranges, j’ai commencé à les interroger et on m’a rapidement fait comprendre que cela ne me regardait pas, que j’étais ici pour mener à terme un projet, que je devais obéir et faire mon travail. Mon salaire était bon, je ne voulais pas d’ennuis. J’ai un loyer à payer, une petite fille à nourrir et je …

    - Que s’est-il passé ensuite ?

     (A suivre...)

    Amicie, © 2008, tous droits réservés.

     

     

  • Station-service (PART V et fin de l'épisode)

      Mes yeux ne rencontrent pas le bar. C’est incompréhensible ! Pourtant je tiens pour assuré, qu’en ces lieux, j’ai pris un café ; je reconnais les blouses blanches aux rayures orange que portent avec agrément les serveuses. Elles courent de table en table, échangent quelques mots avec les clients et leurs distribuent un frugal en-cas et quelques cachets !?

      Je n’aperçois pas non plus Elodie. Pourtant, elle pourrait m’expliquer la singulière disparition du bar. Je vais me renseigner auprès de ses collègues.

    « Je cherche Elodie, vous l’avez vu ?

    - C’est une patiente ?

    - Non, ce n’est pas une cliente, c’est la serveuse du bar !

    - Ah…je vois ! Je suis nouvelle ici. Elodie, je ne la connais pas. »

    - Il n’y a pas d’Elodie ici, me répond une autre.

    - Elodie ! Encore Elodie ! Vous n’avez que ce prénom à la bouche ! Oubliez Elodie, elle n’existe que dans votre pensée dégénérée ! » me clame sévèrement une troisième.

      Je tente une dernière fois auprès du petit rassemblement de femmes en blouse qui m’entoure. Mon téléphone portable sonne. Je le consulte. Sur l’écran s’affiche : « 12 messages en attente ». Je décroche :

    « Sí sé, eso hace tres días que me espera en Cádiz

    (Oui je sais, cela fait trois jours que tu m’attends à Cadiz)

    - Allons, monsieur, soyez raisonnable, il est temps de nous suivre.

    - Llego, no te preocupa. Más que un último pequeño problema que debe solucionarse.

    (J’arrive, ne t’inquiète pas. Juste un dernier petit problème à régler.)

    - Allez monsieur, lâchez cette chaussure et rechaussez-vous ! Venez maintenant, ne nous obligez pas à intervenir

    - Elodie ?! Enfin ! Vous êtes bien Elodie, n’est-ce pas ?

    - Restez calme, tout va bien se passer, je vous ai apporté aujourd’hui un joli cachet violet. Vous les préférez aux jaunes, n’est-ce pas ? C’est ce que vous m’aviez dit hier »

    Elle relève la tête, la suavité de son sourire me bouleverse à nouveau, son regard déborde de désir. Je rapproche mes lèvres. Ma langue tournoie dans sa bouche…

      Tout le monde s’agite autour de moi, se débat. Un sifflet strident résonne dans le hall, des hommes en blouse blanche accourent de toutes parts. Les clients s’affolent, crient, trépignent, m’encouragent de la voix, hurlent mon prénom.

    « Vas-y ! Fais-lui la peau ! Butte-la, la belle gosse ! »

    Des bras m’enlacent, me séparent vigoureusement du corps d’Elodie…

     

      Le clapet du judas de la porte s’est ouvert. Un faisceau lumineux illumine la pièce. Une paire d’yeux apparaît. Ce ne sont pas ceux d’Elodie. Le volet se referme, la pièce retourne à sa demi-pénombre. J’entends les voix s’éloigner dans le couloir.

    -  Il n’y a pas grand-chose à espérer. C’est incurable.

    - Après un tel choc, vous avez des nouvelles d’Elodie ?

    - Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Elodie ? Il n’y a personne de ce nom là dans notre clinique psychiatrique.

     

     

    (Fin de l'épisode...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service (PART IV)

      Je ne me souviens ni pourquoi, ni comment je me suis retrouvé dans cette pièce. J’ai la tête lourde. Je dois faire l’effort de me souvenir, de rassembler mes idées, de mettre de l’ordre dans ma pensée décousue. Reprendre le début de l’histoire, recaler les images du film : l’enseigne lumineuse de la station-service qui surplombe au loin, le voyant vert qui clignote sur le tableau de bord, la voiture qui se déporte sur la droite pour emprunter la voie de décélération…

      Je quitte la voiture. Il fait encore nuit. Il bruine, la chaussée luit sous les lumières de la station. Non, il ne pleut pas, un vent frais balaie l’aire d’autoroute. Je suis face au distributeur de carburants. Son apparence me laisse dubitatif. Une sensation étrange, que je ne saurais définir de prime abord, me saisit. Il présente un aspect inhabituel… Il n’est pas pourvu de tuyaux ! Sur l’écran numérique de l’automate, défile une instruction que je peine à lire : «… Sélectionnez votre boisson et insérez votre monnaie … » Je ne comprends pas les images indomptables qui défilent sous mes yeux. Je ne suis pas en mesure de les analyser ; mon esprit est par trop confus.

      Je franchis le seuil de la boutique de la station-service. Un coup d’œil à droite pour vérifier l’emplacement des toilettes ; je suis en face des pissoirs. Je me vois descendre la fermeture du pantalon, sortir l’organe, décalotter, pisser… Comment puis-je me voir ? Là, face à moi, il y a une glace. Un robinet équipe la vespasienne. Un robinet ?! Une glace, un robinet, mais c’est un lavabo alors !

      Un homme entre, il se dirige vers les urinoirs. Des yeux, je le suis dans le miroir. Il a le torse dévêtu. Non, il porte une veste grise ; c’est moi qui suis torse nu. Il me regarde d’un œil bizarre. Il pue. Il sort un rasoir. Non, c’est moi qui me rase, qui urine. Non ! Je…je ne sais plus. Je me rase ou j’urine ? La situation me fuit, j’en perds le contrôle. Tout s’emmêle dans mon esprit. Lui c’est moi ou moi c’est lui ?

      Je m’esquive. Face à moi, se dresse le bar. Le bar ? Il n’y a pas de bar ! Je m’égare, probablement est-il établi ailleurs. D’un mouvement circulaire je scrute avec minutie l’immensité de la salle d’où sourd un constant brouhaha. Elle est aménagée d’une multitude de petites tables. Des gens attablés discutent avec pétulance autour d’une boisson chaude, d’un jeu de cartes ou de petits chevaux. D’autres personnes, comme des ombres chancelantes, déambulent en d’incessantes allées et venues le long des travées de tables, marmonnant parfois d’incompréhensibles dialectes secrets ou, soudainement, s’esclaffant de faits perceptibles que d’elles seules. D’autres encore somnolent dans des fauteuils agencés autour d’un poste de télévision qui diffuse une émission de variété. Une tenace impression de grand désordre, de délaissement suinte des murs de l’enceinte.

    (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.

  • Station-service (PART III)

      La tête posée sur mon épaule, elle défait d’une main agile les premiers boutons de ma chemise et caresse sensuellement mon torse. Elle relève la tête, me lance un regard plein de désir et se rapproche de mes lèvres. Sa langue tournoie dans ma bouche, rencontre ma langue, titille son extrémité, l’enlace et l’enrobe d’une langoureuse saveur. Soyeuse, envoûtante, je me laisse bercer par la douce caresse de sa langue contre la mienne.

      Elle finit par arracher les derniers boutons de ma chemise et la jette sur la chaise où, consciencieusement, elle a plié ses vêtements. Puis, ses bras enlacent mon cou, la pointe hérissée de ses seins effleure ma poitrine ; un désir irréversible monte en moi. Mes mains saisissent le galbe de ses fesses et plaquent son corps dénudé contre mon sexe en émoi. Ses lèvres humides parcourent lascivement mon visage, mordillent le lob de mon oreille et, dans la chaleur de son souffle, s’échappent quelques douceurs.

      Un bref moment de répit, elle me contemple, puis ses mains, telles des serres, s’agrippent à mon cou, tracent de longues griffures et, de la pointe des ongles, injectent l’indélébile encre rouge de la douleur et du plaisir mêlés.

      Sa bouche s’égare sur mon torse, tète brièvement ma poitrine, glisse le long de mon ventre, dépose sur ma peau l’empreinte de son désir. Son nez tutoie la proéminence de mon sexe, le frôle, le hume, s’imprègne de son odeur. Ses lèvres le baisent tendrement. Une langue furtive humecte la toile. Une irrépressible délectation croît et forcit mon sexe empêtré dans le pantalon.

      Elle met fin à mon supplice en débouclant énergiquement la ceinture de mon pantalon, ôte le bouton, descend la fermeture et libère l’organe endolori. Ses lèvres le caressent, l’embrassent avec une infinie délicatesse puis, subitement, l’enferment dans la chaleur de sa bouche. Mon désir est à son comble et vire soudainement en une obsession pressante : Ne pas éjaculer ! Ne pas éjaculer ! Elle le libère aussi vite qu’elle l’a englouti, le toise culminant devant elle, impose une pause, par respect pour moi ou par expérience.

      Ne pas ramollir ! Ne pas ramollir ! Je perds ma vigueur. Le mouvement de sa langue reprend. Sa bouche ingurgite une à une mes bourses, les entrechoque entre les dents, les fait rouler sur la langue et les recrachent comme de vulgaires noyaux d’olives. Nonchalamment, sa langue remonte le long de mon sexe, puis ses lèvres s’entrouvrent, le chapeautent d’attentions suaves, avant de l’absorber profondément.

      Voyage en apesanteur vers l’intérieur, douceur, soie, velours ; sa bouche est chaude, humide, tropicale, agréable. Elle fait plusieurs allées et venues, l’enrobe, le cajole, l’enroule de sa langue. Chaque aspiration me plonge dans un insondable abysse.

      Je prends son visage entre mes mains, retire sa bouche de mon sexe et la relève. Je l’embrasse langoureusement. Elle se tourne de dos, s’incline et découvre une vulve d’où perle un désir ardent. Je m’approche, le sexe tendu…

      Une forte odeur de parfum féminin nappe l’atmosphère de la pièce ; un effluve de vanille entêtant, envoûtant, ultime trace olfactive d’une présence disparue. Adossé contre le mur, assis à même le sol, les genoux repliés sur moi-même, les bras prisonniers, je reste seul, noyé dans l’épaisse brume de mon esprit déboussolé, mon corps vaincu. Encore haletant, une formidable onde de bien-être coule dans mes veines. Mon corps se délite, mon esprit lévite dans une autre dimension.

      Comment me suis-je retrouvé dans cette pièce exiguë ? Je ne m’en souviens pas. Mes yeux parcourent le capiton blanchâtre qui recouvre les quatre murs identiques, à la recherche d’un indice, d’une réalité avérée. Deux phrases obsédantes tournent en boucle dans mon esprit : « Je vais déjeuner maintenant, vous m’accompagnez ? » et le terrible « Venez, suivez-moi ! » chuchotée à la fin de la collation.

      Je me revois hocher la tête, ressentir un profond ravissement, suivre pas à pas ses chaussures noires marteler le sol, ses jambes élégantes cheminer vers la remise derrière le magasin de la station-service. Non, pas un instant je n’ai envisagé l’étrangeté, le surréalisme de la situation. Je suis déjà dans un autre monde, déjà en tête à tête avec elle…

    (A suivre...)

    Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.
  • Station-service (PART II)

      Le café fume dans la tasse. La mousse brunâtre bruisse comme une surface vivante. Je transperce son mince manteau avec la cuillère que je tourne machinalement en raclant les bords. La mousse se désagrège. Le reflet de mon visage apparaît. Je demeure le regard hagard face à son miroir noir.

    « Tout se passe comme vous voulez monsieur ? »

      La sonorité de la voix est agréable à l’oreille. Je relève lentement la tête, délaissant le spectacle qui se joue dans ma tasse. J’aperçois une étoffe blanche à rayures orange dont le parfait alignement vertical se fourvoie à l’approche de la proéminence de la poitrine ; la peau mate d’un cou désaffublé de son collier ; la fugitive suavité d’un sourire esquissé, l’insouciante prévenance d’un regard vert amande. La serveuse se dresse juste face à moi, derrière le bar.

    « C’est parfait ! Je suis juste un peu fourbu, lui dis-je en  m’étirant, c’est mon premier arrêt ! 

     Ah ! Et vous venez de loin ? s’enquière-t-elle.

    -   De la frontière belge et, pour tout vous dire, je me rends dans le sud de l’Espagne à Cadiz.

    -  Hé ! Vous n’êtes pas arrivé alors ! clame-t-elle. »

    Elle ne se départit pas de son sourire. Je porte la tasse à ma bouche. Une exhalaison d’aromes de grain de café grillé m’envahit ; la première gorgée met en émoi mes papilles gustatives.

    « Pas vraiment, non ! Mais je ne suis pas pressé, dis-je en prenant mes aises. »

    La serveuse repart. Un client vient d’arriver. Elle m’a lâché un : « je reviens ! » qui m’a semblé empreint d’une certaine complicité, peut-être illusoire.

      Je l’observe s’afférer avec le client à l’autre bout du long comptoir. Il me semble qu’elle lui sourit. Lui dit-elle les mêmes mots ? Le reflet du miroir me renvoie son image de dos. Je m’imagine enlacer son corps, le serrer tout contre moi, les bras croisés sur le ventre, les mains plaquées sur les hanches et, dans un accès de tendresse mêlée de désir, baiser sa nuque. Je décroise mes doigts et chasse cette pensée. Ma tasse est vide.

      L'employée revient vers moi. Son sourire ne l’a pas quittée. Elle se place face à moi et entreprend de laver quelques tasses. Quand elle se penche sur l’évier, son tablier s’entrouvre et point la naissance de ses seins ; l’étoffe dentelée du soutien-gorge alors se gondole et, le temps éphémère d’un regard honteux, j’entrevois la rosace pourpre du mamelon. Ma gorge s’assèche ; difficile de résister, de ne pas regarder. Elle relève subitement la tête. Je rougis. Je bafouille quelques mots : « Elodie, c’est un joli prénom ! 

    Ah, vous aimez ?  dit-elle d’un air amusé.

    Pardon ? Si j’aime quoi ?

    Eh bien mon prénom !

    Ah oui ! Je l’ai vu sur votre badge. Je ne me suis pas rendu compte que je le lisais à voix haute. Je suis désolé ! dis-je confus.

    -  Ne soyez pas désolé, cela me fait plaisir ! répond-t-elle enchantée.

    Je reprendrais bien un…

    Oh, je vous laisse, un car de touristes vient d’arriver ! »

    Je la vois repartir prestement, me laisser seul avec ma tasse vide et mon envie de café saupoudré de son doux parfum.

     (A suivre...)

     Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.