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MonsterJack - Page 7

  • Coup de griffes

    Le week-end dernier, je me suis attaqué à la haie de thuyas qui entoure le jardin de la maison. Il faisait beau et très chaud. Je n'avais pas envie de le faire. Ça fait chier! Je serais bien allé à la mer, à marcher pieds nus sur le sable mouillé par le va et vient des vagues. Tiens à Deauville, à regarder les vieilles bourgeoises, toute orfèvrerie dehors, caqueter sur les planches face au casino."Mais si, mais si, très chère, je vous l'assure, mon époux le disait encore ce matin au petit déjeuner. Il l'a lu dans le journal. N'est-ce pas Grégoire?" Mais il est où Grégoire? Jamais là quand il faut les maris! Ah ça y est, je le vois! Il est là bas, debout sur le promontoire qui longe la promenade, scrutant l'horizon. Un vrai gamin, je vous le dis! Monsieur est en train de surveiller ses rejetons qui s'ébrouent au loin dans l'eau, car la mer se perd à perte de vue à cette heure de la journée.


    J'ai pas envie! Mais bon, j'allais pas la laisser comme ça la haie! Toute hirsute! Abandonnée depuis...je ne m'en souviens pas, Longtemps! Cent mètres de haie, ça vous dit? Bon, allez, assez causé, faut s'y coller! Je suis monté dans la chambre et j'ai ouvert la vieille armoire en bois massif, même pas mitée. La porte à couiner...oui je sais, faut que j'y fasse quelque chose. Une prochaine fois! J'ai pris le tee-shirt le plus pourri que j'ai trouvé et je suis descendu à la cave chercher le taille-haie.


    J'y ai passé un temps infini à tailler cette putain de haie. Mais là c'est mieux, c'est pas parfait, non, on voit que c'est artisanal! Je sue sang et eau. Vous auriez dû me voir les bras ensanglantés, par des dizaines de griffures, qui vont de la micro-coupure à la franche entaille. On ne peut même pas les compter tellement il y en a! J'ai dû y aller un peu fort, me battre trop vigoureusement contre ses branches acérées, à cette haie. Voilà le résultat, mais même pas mal! Enfin on verra tout à l'heure avec le désinfectant. Ça sera une autre histoire, pour sûr.


    Là au moment où j'écris, je contemple la multitude de croûtes qui se sont invitées sur mes bras. C'est pas joli à voir, enfin ça dépend, on peut aimer. En tout cas c'est impressionnant, oui on peut dire ça, vrai!
    Mais ce ne sont pas toutes ces griffures qui me font mal. Non. Elles, je m'en fiche! C'est le dernier coup de griffe de cette femme, Alexandra. Il n'a pas déchiré ma peau. Non, il n'y avait plus de place! Mais il a égratigné mon coeur rougeoyant à jamais...

    Jack O. Monster, © 2007, tous droits réservés
  • Visite à Moulinsart

    Moulinsamedium_Moulinsart1.2.jpgrt, le 22/04/2007

    Très cher Tintin,

    Nous sommes passés vous voir hier à Moulinsart, enfin...au château de Cheverny, puisque c'est comme cela qu'ils l'appellent maintenant. Au passage, nous avons pu admirer les travaux d'agrandissement que vous avez entrepris : l'ajout de deux ailes encadrant le château.

    Nous avons sonné et votre domestique est venue nous ouvrir la porte. Tenez, à ce propos, vous avez probablement dû donner son congé à la précédente car nous ne l'avons pas reconnue. Nous en avons été quelque peu surpris, aussi nous sommes-nous assurés que nous ne nous étions pas trompés d'adresse.

    - Madame, est-ce bien ici qu'habitent M. Tintin et le Capitaine Haddock? Je dirai même plus, est-ce bien là qu'ils logent? nous nous enquîmes.

    Votre nouvelle domestique a semblé hésiter et, un moment après, nous a répondu par l'affirmative. Elle nous réclama cependant monnaie trébuchante et sonnante et nous indiqua le sens de la visite. La pauvre avait dû comprendre que nous souhaitions consulter le Professeur Tournesol ou assister à la répétition de vocalises de la Castafiore. Permettez-nous de nous inquiéter à son sujet, nous avons trouvé son attitude très suspecte. Mais ne vous alarmez pas, nous faisons foi de la surveiller avec notre discrétion coutumière.

    Nous vous avons cherché partout, dans toutes les pièces du château : d'abord à la Salle à manger, avec sa monumentale cheminée en pierre que nous avons de cesse d'admirer, puis nous avons emprunté l'escalier d'honneur, où nous avons été ravis de constater que vous aviez réparé la marche, pour accéder aux appartements. Nous avons même gagné la Salle d'armes avec sa magnifique collection du XV, XVI et XVIIe siècle. Nous sommes redescendus au rez-de-chaussée dans le grand salon puis dans votre magnifique bibliothèque au 2000 livres anciens. Point n'étiez-vous là!

    Nous sommes ressortis et avons suivi un panneau indiquant Expo Tintin et là, ô merveille! nous avons retrouvé toute l'ambiance et la magie de vos aventures avec des reconstitutions de scènes : la Crypte dans laquelle vous étiez séquestré dans " Le secret de la Licorne", ou les vitres de la double fenêtre du grand salon qui volent en éclats après un coup de tonnerre dans "L'affaire Tournesol" ou encore le laboratoire de ce dernier et même votre chambre à Moulinsart où sont entreposées toutes vos tenues vestimentaires et bien d'autres objets passés à la postérité.

    Nous ne vous avons pas rencontrés de visu mais nous sommes repartis content et enthousiaste de notre visite à Moulinsart, euh...pardon au Château de Cheverny, où se superposent deux histoires, une réelle l'autre imaginée, l'histoire à la bande dessinée, l'important au futile. Mais qui de l'important est futile ou du futile est important? L'histoire ne le dit pas...Je dirai même plus ce n'est pas écrit dans les aventures de Tintin.

    Mon très cher Tintin,

    bien à vous.

    Dupond et Dupont

    Jack O. Monster, © 2007, tous droits réservés

    Château de Cheverny, 41700 Cheverny, tél. 02 54 79 96 29, www.chateau-cheverny.fr, château+expo Tintin

  • Une rencontre singulière

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    Je t'ai contournée et me suis rangé derrière toi. J'ai retrouvé le lacet que j'avais fiché dans la poche de mon pantalon avant de te rendre visite. J'en ai saisi les deux extrémités. J'ai écarté les mains jusqu'à en sentir la discrète vibration provoquée par sa tension. J'ai dressé lentement les bras. Avec minutie, je les ai passés par-dessus ta tête. Un instant, ils se sont immobilisés comme suspendus dans le temps, puis prestement, d'un mouvement ovoïde plongeant, j'ai appliqué le lien sur ton cou, replié les bras et tiré fermement.

    Tu as crié.

    J'ai exécuté une pression supplémentaire. Tes cris se sont étouffés. Tu t'es débattue. J'ai contracté mes muscles pour te maintenir captive. Ton dos est venu se plaquer contre moi. Un temps qui parut infini a figé nos deux corps. Tes cheveux ont caressé mon visage. J'ai enfoui mon nez dans ta chevelure et j'ai respiré à plein poumon ton odeur enivrante. Mon sexe s'est raidi dans la raie de tes fesses. Ton corps en nage contre le mien en transe, j'ai failli succomber...

    Je n'en ai pas eu le temps. A la vie, à la mort, tes forces se sont démultipliées. J'ai senti tes muscles trembler, ton corps vibrer de sa toute dernière énergie. J'ai eu toutes les peines du monde à te contenir.

    Il a fallu en finir.

    Le miroir mural diffusait en direct la scène. Je t'ai vue te débattre, te désarticuler. J'ai vu ton joli visage poupin grimacer de terreur, le trait régulier de tes sourcils se rompre de douleur, l'iris olivâtre de tes yeux exorbités se pimenter de larmes sanguines, la mélasse sortir du bout de ton nez à croquer et couler le long du sillon jusqu'à l'ourlet de tes lèvres purpurines, la blancheur de tes dents jaillir de la pénombre de la cavité de ta bouche béante, la langue déjà raidie, déjà inanimée. J'ai vu le sang monté au visage. J'ai vu ta souffrance, ta suffocation jusqu'à ton agonie. J'ai tout vu et je ne suis pas venu à ton aide, Mérimée.

    J'ai juste shooté dans le vase olive posé sur le parquet. Le miroir s'est brisé en mille morceaux dans un fracas cristallin ponctué par un dernier râle. Un dernier souffle s'est échappé. Pas eu le temps de le retenir et l'enfermer hermétiquement dans une petite bouteille pour le garder à jamais! Trop tard, la vie s'est éteinte. Tes muscles se sont relâchés, ton corps s'est assoupli, s'est amolli, est devenu collant, élastique. Une dernière fois j'ai plongé mon visage dans ta chevelure Mérimée, rempli mes poumons de ton odeur inoubliable. Une larme a coulé sur ma joue. J'ai desserré l'étreinte du lacet. Je t'ai laissée choir délicatement. J'ai salué une dernière fois ce corps recroquevillé sur le plancher, en position fœtale, déjà abandonné aux primes effluences de la mort. J'ai repoussé l'interrupteur de la lumière, tiré la porte et laissé là notre vie à jamais ébréchée.

     

    Extrait de roman Jack O. Monster, © 2007, tous droits réservés