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Résurgence (PART II)

  Je sens le sol se dérober sous mes pieds, mon esprit vacille. Mes mains saisissent opportunément la rampe du muret bordant la promenade, ma tête culbute entre mes bras tendus. Le front plaqué contre le métal froid, je ferme les yeux et reste seul, entre ma solitude et cette femme au loin. Il y a tant de temps qu’Hélène a disparu du monde mais pas de ma pensée...
  A ce point avancé de non retour, dans un ultime acte de courage, je relève promptement la tête pour ne pas m’enfoncer davantage. Obstinément, le bras de la femme persiste à décrire des oscillations. Ce ne peut être un geste d’adieu, suis-je sot, mais de reconnaissance! Ce n’est pas Hélène mais une femme qui, prenant un bain de soleil en plein mois de novembre, aperçoit une connaissance et la salue ! Je tente de me satisfaire de cette assertion quand soudain une question taraude mon esprit à compartiments. Mais qui a-t-elle aperçue ?
  Je lance un regard alentour, piqué par la curiosité. Personne  dans mon proche voisinage, plus trace de la mère de famille et de son turbulent bambin, du landau empli de cris, du mari aux jumelles… Les jumelles !!! Là, posées sur le muret ! Je me tourne à nouveau, prêt à héler son propriétaire. La corniche s’est soudainement dépeuplée, sans âme qui vive à des lieues à la ronde. Le bruit des moteurs des voitures circulant sur la  route s’est tu. Seul résonne le silence, profond, pénétrant, tailladé par le cri suraigu des mouettes, sonné par l’assourdissant grondement des vagues qui se fracassent contre les rochers.
  Telle la fureteuse caméra d’un cinéaste halluciné, je parcours langoureusement les méandres de son corps. Ma prunelle s’émeut de la fragilité de ses chevilles effilées; un frisson me traverse le dos à l’ascension de ses jambes élancées où ruissellent encore les gouttes d'eau d'une récente baignade; échoué sur ses genoux, mon cœur palpite à l’amorce de la vertigineuse plongée des cuisses vers la simple étoffe de bain posée là. Une émotion palpable m’envahit. L’image se brouille,  frémit. Ma gorge s’assèche sur le faux plat d’un ventre dénudé livré à tous les vents; mon optique s’embue au survol des raidillons de la poitrine qui pointent sous son tee-shirt imbibé.
  De longs doigts de pianiste appliqués en écran contre les yeux masquent partiellement son visage encadré par une ample chevelure rousse dansant au vent. Elle m’observe également.   Mon cœur bat la chamade. Je relâche les jumelles, suffoquant. Je m’éponge le front, soupire pour me détendre et reprends mon exploration.
  D’un signe de la main, elle m’invite à la rejoindre. Sur son visage, je discerne un imperceptible mouvement de lèvres. J’ajuste la focale des jumelles pour cadrer au plus près. Quelques mots s'envolent de sa bouche. J’essaie de les attraper au vol et de percer leur cryptage. « Viens … moi … trop tard … toi ». Ce n’est pas aisé. J’achoppe sur le sens de certaines expressions. Je tourne avec minutie la molette pour affiner la netteté. Je retiens mon souffle pour ne pas trembloter, me concentre et reprends la lecture… Ca y est, je tiens la phrase !
 « Viens, rejoins-moi, il n’est pas trop tard, dépêche-toi, cours !»
 
(A suivre...)
Jack Monster, © 2007, tous droits réservés.

Commentaires

  • La voilà enfin cette suite mais je reste sur ma faim. Faut-il encore attendre pour savoir ?
    De l'émotion, des non dits, quelle profondeur dans ce texte.
    amicalement
    Elfesaphir

  • ... Cette deuxième partie monte en émotions et soulève des interrogations.. j'aime... merci pour ce double moment...

    Amicalement.

    Elise

  • Est-ce une sirène ?.... Le suspense est là... Nous retenons tous notre souffle et nous attendons la suite ! Bravo pour l'intrigue !

  • Je ne ferai pas de commentaires sur la forme qui est fine et belle, mais sur le fond: Monster, tu sembles rêver éveillé! Riiiires.... Quel pouvoir ont donc les femmes sur toi!!!! Je t'embrasse.

  • Clinicien de l'âme humaine et de ses méandres tortueux, tu décortiques ton narrateur et nous captives. Les thèmes que j'ai déjà notés dans tes précédentes nouvelles (rêve/réalité ; mystère/réel ; paraître/être) sont traités avec des phrases toujours parfaitement ciselées, précises. Un beau style au service de l'univers d'un écrivain maitre de son art.
    PAT

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