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Résurgence (PART I)

- « Tu me diras si elle a la marque du maillot ? Et quel âge elle a ! »
- « Pourquoi tu dis ça, maman ? » s’étonna le gamin agrippé au bras de sa mère.
- « Mais regarde-donc ton père avec ses jumelles ! Il est en train de lorgner une pin-up à moitié dévêtue sur les rochers. Mais regarde le donc ! Pff … »
- « Je scrute les bateaux à l'horizon, chérie, juste les bateaux ! »

  Nous sommes sur la côte bretonne par une de ces belles journées ensoleillées comme en offre parfois le mois de novembre. Quand je dis « nous », c’est une façon d’esquiver le fait que je sois seul à déambuler le long de la corniche, moi et mes ombres pas toujours fidèles. Cela fait très longtemps qu’Hélène a disparu, emportée par les flots, par une journée semblable à celle-ci, par un temps radieux et une mer de même liesse.
  Le soleil tape de manière inhabituelle pour un automne déjà bien engagé et je commence à regretter de porter un manteau aussi épais. Pas un nuage à l’horizon, le ciel bleu azur lavé de toute pollution,  l’océan à perte de vue, fidèle compagnon des bons et mauvais moments de la vie. Aujourd’hui, il s’exhibe sous son meilleur visage, consensuel, peut-être même légèrement racoleur et convie à une baignade aux senteurs estivales.
  Je contourne une petite femme replète qui, dans une gestuelle excessive, aboie à tout vent contre son mari. Plantée au beau milieu du trottoir, elle ne semble pas décidée à déplacer le landau négligemment parqué qui obstrue le passage. De celui-ci s’échappent les cris stridents d’un bébé en mal de lait. Son frère, un horripilant gamin, tournoie bruyamment autour d’eux. Un peu plus loin, en appui sur le muret, l’homme invectivé, jumelles vissées aux yeux, observe les voiles au large…
  En passant près de lui,  je ne peux m’empêcher de lancer un regard d’une portée moindre. En contrebas, dans un chaos de  rochers modelés par les embruns, allongée sur une étroite plage de granit, une jeune femme légèrement vêtue, profite du soleil et scrute la capricieuse étendue d’eau. Comme l’homme qui, quelques instants, a délaissé sa compagne, je suis frappé par la vision étourdissante de cette femme à la crinière rousse.
  De loin, elle m’apparaît extraordinairement belle. Sa silhouette irréelle se découpe sur le tableau intensément marine de l’océan. Son corps, probablement sculpté par un artiste fou-amoureux, tend vers l’horizon. Elle repose sur ses avant-bras dans une posture irrésistiblement désirable. J’ai quelque peine à détacher mon regard. D’ailleurs je n’y parviens pas ou plus exactement je n’en ai pas le temps. Épiée, elle se tourne vers la civilisation, fixe son regard dans notre direction, puis lève son bras et se met à lentement l’agiter comme pour faire un signe.
  Le mouvement de balancier de son bras semble cadencer le temps, le dater d’une estampe empreint de passéisme. Je ne comprends pas cette douleur qui sournoisement pénètre mon corps. Quelque chose me fait mal, subrepticement incruste mes tissus. Au plus profond de mon être, je le ressens, mais je ne parviens pas à identifier l'origine. Est-ce le mouvement de balancier du bras de cette femme, que mon cerveau interprète comme un geste d’adieu ? Est-ce le fantôme d’Hélène qui revient hanter mon esprit et me met mal à l’aise ?
  Je sens le sol se dérober sous mes pieds, mon esprit vacille…

(A suivre...)

Jack Monster, © 2007, tous droits réservés.

Commentaires

  • J'ai hâte de connaitre la suite car j'étais déjà sur cette plage avec le coeur battant face à cette histoire de tant de battants ;-)

    merci.
    Amitiés.

  • Un peu frustrant mais superbe.
    Ne nous laisse pas dans l'ignorance, raconte-nous vite la suite.
    Elfesaphir

  • Passionant, haletant le début. ça laisse sur la faim, j'attend avec impatience le 03 décembre prochain je crois. j'espère que ce ne sera pas la fin de sitôt, laissez défiler les "épisodes" un à un, ça nous tiendra en haleine. C'est bien.

  • Je pensais avoir laissé sur cette première partie et a priori non...
    Donc, je comble cette lacune.
    "Résurgence".
    J'aime ce titre et ce mot mystérieux qui au sens premier signifie "Eaux d'infiltration, rivière souterraine qui ressortent à la surface; source où elles reparaissent" et au sens figuré "une réapparition".
    Première partie prometteuse. ta description de l'océan, qui n'a pas du être évidente à écrire, est une belle réussite par le ton poétique que tu déploies. Et j'aime toujours les angles de vue que tu multiplies et tes personnages qui t'observent les uns les autres.
    je lis la suite.
    PAT

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