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La bête immonde (part II)

  Ginger ne put étouffer sa détresse à la vue d'un tel spectacle et s’effondra en pleurs. Alors la bête, un genou à terre, la regarda d’un air hébété, ne semblant pas comprendre la situation. Il se rapprocha d’elle à pas feutrés, s’accroupit face à elle et l’observa avec incrédulité. Il caressa délicatement ses cheveux, puis la prit par les épaules.
- Lâche-moi ! hurla-t-elle tout en continuant à sangloter.
- Je ne comprends pas ce qu’il se passe, répondit-il perplexe.
- Tu as failli nous tuer, voilà ce qu’il se passe, tu as failli nous tuer !
- je ne voulais pas, je ne me souviens de rien, je ne voulais pas vous faire de mal !
  Ginger ne répondit pas. Les yeux humides, hoquetant encore, à la fois de terreur et de soulagement, elle était vidée. Devant le mutisme persistant de sa femme, l’homme se releva et s’assit quelques mètres plus loin, à l’autre extrémité du couloir, adossé contre le mur, les jambes repliées, la tête basse, le menton collé à ses genoux.
  De longues minutes passèrent…
  Le bruit d’un verrou se fit entendre, une tête apparut dans l’embrasure de la porte.
- Viens Marco, viens c’est fini, tu ne risques plus rien, lui susurra-t-elle d’une voix cassée.
Rassemblant le peu de force lui restant, elle se redressa et alla à sa rencontre.
- Ton père est très malade…
Puis elle se dirigea vers l’étranger qui se tenait toujours assis.
- Viens tu seras mieux dans le canapé pour te reposer.
  Ils se dirigèrent vers le salon et elle l’installa confortablement. Elle-même se posa sur le large accoudoir. Un long moment d’isolement s’écoula lentement, goutte à goutte…
- Ca ne peut plus durer ! finit-elle par lancer.
- Je m’excuse, je ne voulais pas, je ne me souviens de rien.
- Tu dois te faire soigner.
  La conversation s’engagea : retrouver une vie de famille, recommencer une discussion mille fois entamée, réemployer les mêmes mots, développer les mêmes argumentations, arriver aux mêmes constats, envisager les mêmes solutions, tenir les mêmes promesses… Recommencer à y croire, faire avec, se réaccorder, vivre avec, renouer les fils de la vie conjugale, deux adultes, un enfant, trois vies, comme si de rien n’était, pour ne pas mourir, pour donner encore un sens à une vie salement amochée … pour en arriver à la phrase de trop. La phrase terrible qui, immédiatement, annihile tout, réduit à néant, replonge dans les profondeurs insondables du mal être.

- Tu me fais chier !!! Et d’un revers de main, il envoya beigner sa femme qui, surprise par la puissance de la gifle, déséquilibrée, tomba au sol, l’œil tuméfié, la joue  ensanglantée, marquée à vie par l’alliance de celui qui fut son mari, un jour heureux et ensoleillé de juin…

(Fin...) 

Jack Monster, © 2007, tous droits réservés.

Commentaires

  • Entre "l'amour" et la haine la frontière est maigre, merci bien pour cette petite nouvelle, au plaisir de te relire et a bientôt.

  • wow quelle fin brutale mais hélas c'est le lot de nombreuses femmes. Le titre est bien choisi pour décrire ce genre d'homme.
    Il faut les dénoncer c'est certain.
    Elfesaphir

  • Un voyage au coeur de l'humain qui ne contrôle plus émotions et mal-être... une frontière si forte et pourtant si fine lorsque la bête qui sommeille en nous ne rêve plus...

    Merci et au plaisir de te lire

  • Disséquer la nature humaine n'est pas simple...
    L'équilibre d'une éxistence est tellement précaire...
    Peut-on donner de vraies explications à des passages à l'acte qui sont très souvent irréversibles ?...
    Tant des questions pour tant de raisons... A développer ?... ;)
    Merci pour cette lecture.

    isabelle

  • "La bête immonde" est une excellente nouvelle par sa densité dramatique, par cette dissection de l'âme humaine si précise, presque chirurgicale. Ton mérite est d'essayer de dire l'indicible, ces connexions si compliquées qui logent dans nos cerveaux.
    Sur les trois protagonistes de ce huis-clos, deux sont nommés (Ginger et Marco). Le troisième que tu appelles "époux" "père" ou "homme" te permet en l'"anonymisant" de nous ramener à notre propre fragilité. "Ce" qu'il lui arrive peut vous arriver, sembles-tu nous dire.
    Je salue également ton style, cette marque de fabrique qui rend ta voix si reconnaissable.
    Amicalement,
    PAT

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