Conte de Noël (PART I)

Ses yeux pétillent comme les bulles du Champagne qui s’échappent de la coupe qu’elle porte à ses lèvres. A petites gorgées, elle en extrait toute sa quintessence. D’un geste délié, elle repose le verre en cristal sur le plateau que lui tend le majordome en livrée. Un ample sourire illumine son visage. Carole, la femme de mon frère, heurte discrètement mon coude et me susurre presque dans le creux de l’oreille :

- « Tu as une chance inouïe, ta nouvelle copine a un charme fou ! »

Assis à une table ornée de décorations de Noël ostentatoires, je la guigne, le menton en appuie contre la paume de ma main entrouverte, à suçoter mon auriculaire. Elle tournoie et caracole d’un convive à l’autre, lançant à l’adresse des uns, un sourire charmeur, des autres quelques bons mots, usurpant le rôle de maitresse de maison dévolu ma mère.

Elle me remarque, s’apprête à m’envoyer, dans un premier temps, le souffle d’un baiser de braise, puis se ravise et, d’une démarche élégamment chaloupée, s’avance vers moi. Agrippant le col de ma chemise, elle m’enjoint de me lever, rapproche ses lèvres des miennes et m’embrasse lascivement.

- « Je t’aime mon chéri !» énonce-t-elle distinctement.

Du coin de l’œil, j’entraperçois ma mère qui nous épie. Elle est comblée, son fils ainé connait enfin le bonheur, après l’enfer que lui a mené sa précédente compagne.

Elle m’entraine au milieu de la pièce. On y joue un slow. Elle m’enserre la taille, coince son visage dans le creux de mon épaule. Son corps se colle au mien, épouse mes contorsions. La caresse de son ventre m’ensorcelle. Sa langue parcoure mon cou. Je ferme les yeux pour mieux ressentir le plaisir gravir. Ai-je déjà connu le bonheur ?

Déjà la ballade s’achève, me laissant anéanti dans ses bras. Elle se délie, cligne de l’œil. Je croise le regard de mon frère qui, d’un geste résolu, m’invite à le rejoindre. La fête bat son plein. De la cuisine, me parviennent les vibrations étouffées de la musique que transpercent les rires et les cris des invités. De l’autre côté, on scande en chœur : « Lo-rie ! Lo-rie ! Lo-rie ! » Mon frère passe la tête dans l’embrasure de la porte :

- « héhé ! Ta copine fait le show !!! Elle a conquis tout le monde !»

Je lui rends un sourire désappointé. Il ne le remarque pas, trop occupé à déboucher une bonne vieille bouteille de Bordeaux. Il me tend un verre, lève le sien.

- « A ta santé ! A ta nouvelle vie ! A tes amours ! »

Puis, d’un ton confidentiel, il rajoute :

- « Lorie est vraiment merveilleuse, bon choix frérot ! Tchin ! »

Il est déjà bien enivré. Les bras chargés de grands plateaux vidés de leurs substances, ma mère entre dans la cuisine et claironne malicieusement :

- « Mais que faites-vous là, petits comploteurs ? Venez, c’est l’heure de l’ami secret ! »

 

(A suivre...)

Jack Monster, © 2008, tous droits réservés.