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Babyji de Abha Dawesar

medium_Abha2.jpgBabyji

Abha Dawesar

Editions Héloïse d'Ormesson

 

Inde, Delhi, dans les années 90.

 

Sur fond de remise en question des valeurs du système social indien, ce roman dépeint les premiers émois d'une jeune fille, Anamika, élève modèle d'un lycée de Delhi, issue de la haute caste, éprise de physique quantique, qui découvre le trouble plaisir des sens auprès de trois femmes toutes de conditions différentes, Rani la domestique, Linde la femme divorcée et Sheela sa camarade de classe, marquant la fin de l'insouciance d'une adolescence dorée, la prise de conscience politique et le reniement de la voie toute tracée.

 

Ce roman décrit, à travers les relations que noue le personnage principal, la difficulté d'échapper au système des castes en Inde. Bien que très intimes, ces quatre femmes n'arriveront pas complètement à surpasser l'âgisme et la persistance des archaïsmes ancestraux qui ligotent les rapports sociaux et empêchent l'épanouissement des relations dans la société indienne. Il montre également que, malgré ses contradictions criantes, l'Inde continue son inexorable marche en avant vers le modernisme.

 

L'action du roman se situe dans les années 90, qui marquent le début du lent basculement des valeurs, la prise progressive du pouvoir par les moyennes castes au détriment des hautes, la reconnaissance des basses castes avec les mesures gouvernementales de discrimination positive, qui seront marquées par une terrible série d'immolations de brahmin se sacrifiant pour le devenir de leur caste et, ses premières conséquences, avec la fuite à l'étranger de l'élite, contrainte de s'expatrier pour poursuivre leurs études et peut-être s'y installer définitivement.

 

Faut-il quitter l'Inde? Le pays a-t-il besoin de sa caste d'élite? Les premiers déchirements, les premiers doutes. Les différentes prises de positions sont exposées à travers les personnages de ce roman qui font la richesse et l'ambiguïté de cette Inde nouvelle qui prend place dans le concert des grandes nations tant économiquement (4e puissance) que culturellement et sociologiquement. Tandis que la Chine, par ces multiples ruptures violentes, inquiète les occidentaux, l'Inde apparaît, à l'image de Ganesh, le dieu à tête d'éléphant, la force tranquille qui monte et effectue, avec une apparente douceur(?), sa mutation mondialiste.

 

L'étude psychologique des personnages est remarquable, tant par la finesse de la restitution des sentiments, que par la profondeur des ressentis à travers la richesse spirituelle de l' Inde qui contraste avec la vision étriquée et binaire de l'Occident. L'écriture est légère, limpide, caressante. Ce roman passionnant (446 pages, on aurait aimé le double) expose, sans parti pris, par le biais des différents personnages, toutes les grandes questions et positions qui font actuellement débat en Inde.

 

Abha Dawesar signe un roman qui vous marquera à jamais et vous fera approcher une autre façon de penser. Mais attention au choc post-lecture, attention au grand vide, attention vous ne serez plus le même...Rassurez-vous quelques jours plus tard vous retrouverez vos (xxx*) habitudes occidentales mais, dans la pupille de vos yeux, brillera à jamais...Shining India!

 

Jack O. Monster

 

* je vous laisse le choix du qualificatif.

 

Pour être tout à fait complet et persuadé que quelques-uns d'entre vous voudront se pencher un peu plus sur l'Inde, à la suite de la lecture de Babyji, je vous recommande tout particulièrement l'étude, sous la direction de Christophe Jaffrelot, "L'Inde contemporaine, de 1950 à nos jours, nouvelle édition" chez Fayard/Ceri.

Commentaires

  • Merci de ce lien.
    Je recopie ma réponse en ces lieux :

    Je trouve ta comparaison de l'Inde avec le Dieu Ganesh, à tête d'éléphant comme "force tranquille qui monte et effectue, avec une apparente douceur(?), sa mutation mondialiste" très intéressante !

    Merci de ce lien vers donc ta very private and secrete "grotte" ;-)
    Bienvenue dans le monde merveilleux des blogs !

  • PS : j'attends ta critique sur cette chère "Valérie Valère" dont tu ne cesses de faire l'éloge !

  • Est-ce en hommage à Babyji que tu as appelé ton blog Sheela? On sent en tous cas comme ce livre t'a touché profondément et ça, ça donne envie de le lire! Ceci dit, ce n'est pas vraiment le terme "douceur" que j'utiliserais pour qualifier l'Inde...

  • Alexandra :
    Je suis très honoré par ta présence, merci sincèrement.
    Concernant Valérie Valère, je suis en train effectivement de préparer un dossier sur elle (tu dois avoir une boule de cristal ou ta fine psychologie buzzienne a encore frappée!)

    Kiki :
    L'écriture de Abha est tellement belle, qu'elle te comblera, toi qui est amoureuse des beaux mots...
    Effectivement Sheela a un rapport avec Babyji, mais c'est un peu plus compliqué que ça dans la réalité.
    Quand à l'emploi du terme "douceur", il est, d'une part, encadré par "apparente" et (?), et d'autre part, il reflète l'image que l'Inde veut donner d'elle au monde occidental. Mais le lecteur aura relevé qu'il ne s'agit que d'une vitrine...

  • Comment ne pas partager ton point de vue, Monsterjack? Tu as su retranscrire avec talent toute la sensibilité de de ce roman qui aborde, comme tu le dis, toutes les grandes questions de l'Inde.
    Mais permets moi d'avoir une approche "indienne" de ce roman. Car lorsque j'ai lu Babyji, ce sont mes origines qui ont ressurgi à ma mémoire. Lorsqu'on naît en France, que l'on est parfaitement assimilée, que l'on a absorbé toute une culture, on croît être un pur produit hexagonal. C'est faux. A travers les personnages de Babyji, j'ai reconnu ma mère, mes oncles, ma famille. J'ai retrouvé mes repères, des façons d'appréhender la vie, une manière de penser...indienne.
    Pour moi, Anamika, l'héroïne, c'est l'Inde. Elle symbolise ce pays plein de contradictions, de doutes et de passions. Ses trois amantes sont des métaphores des tentations de l'Inde. L'une est de caste inférieure. Elle incarne le système des castes et son emprise sur la société indienne. La tentation est de s'en émanciper et de croire à la négation de cette hiérarchie sociale (ex les lois sur les quotas) mais c'est un leurre. Telle Anamika qui noue avec Rani une relation teintée d'une tendre domination, l'Inde est ancrée dans le système des castes.
    Linde est la seconde amante de l'héroïne,divorcée et libre. Elle représente l'influence occidentale de l'Inde. Même si elle est extrêmement séduisante, Anamika saura garder ses distances face à une liberté qui paraît parfois superficielle.Quant à Sheela, la troisième, elle tient une place particulière dans le coeur de l'héroïne car elle incarne l'alliance de la modernité et de la tradition : un idéal auquel aspire tous les indiens de la nouvelle génération.
    Voilà j'ai été longue mais je crois que ma lecture, subjective et orientée, complète la tienne. A bientôt!!

  • Ananda,
    Voici une brillante analyse qui complète effectivement la mienne, d'autant plus intéressante que tu nous apportes une approche "indienne".
    Je suis tout à fait d'accord avec toi concernant Sheela qui incarne, comme tu le dis, l'alliance de la tradition et de la modernité de l'Inde, d'où mon petit "faible" pour elle! ;-)

  • Bonne présentation, complète et tout et tout... En fait la seule chose qui me dérange ici est que c'est trop journalistique comme analyse de l'oeuvre. Quoique... c'était peut etre nécessaire, vu sa dimension politique...

    Sinon, quand tu dis :"Il montre également que, malgré ses contradictions criantes, l'Inde continue son inexorable marche en avant vers le modernisme." , j'ai envie de te demander ce qu'est le modernisme pour toi ? Veut il dire changement ? adoption des idées occidentales ? Abandon de traditions archaiques (pour de nouvelles ? lol) plus de justice ?

  • Kebie,
    J'ai employé le terme de modernisme dans le sens d'avancée. Après des siècles d'immobilisme avec le système des castes, l'Inde avance à grand pas, avec tout son lot de contradictions, inhérent à toute révolution.
    Ni occidentale, ni communiste, ni islamique, ni quoi que ce soit, une voie unique, indienne.

  • Je pense que tu es un idéaliste le monstre. Le modernisme "dans le sens avancée", "[les] grands pas... inhérent à toute révolution", "la voie unique, indienne" ... tout ça, c'est bon pour les caniches ;-)

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