Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

résurgence (part IV)

  • Résurgence (PART IV et Fin)

      A mesure que je m’approche, elle dévoile une physionomie moins flatteuse. De légers cernes estampillent le pourtour de ses yeux fendus. Quelques fines rides strient son front. Deux minces plissures prennent naissance du nez et s'évanouissent à la commissure des lèvres, dénotant une précoce indolence  de ses joues.
      Je perçois le son de sa voix : « Dépêche-toi, il ne reste plus beaucoup de temps ! » Je ne reconnais plus la jeune femme pimpante qui me faisait de grands signes. J’ai la sensation que cette femme a vieilli d’une dizaine d’années en quelques secondes. Son charme s’est flétri, les ridules se sont ravinées, de disgracieuses taches brunâtres ont éclos sur sa peau fripée, des fissures ceignent la cavité des yeux et corrompent son regard perdu, deux sinistres sillons profanent le dessin de sa bouche.
      A quelques mètres d’elle, je suis en présence d'une petite  femme chenue, recroquevillée sur elle-même, décharnée par la vieillesse. Une intense odeur fétide agresse mon odorat. Le processus de vieillissement s’accélère encore. De grouillants asticots blancs rongent ses chairs putréfiées qui, par lambeaux entiers, chutent au sol en un amoncellement de bouillie gluante. L’affolante mécanique de décomposition s’emballe. L'exhalaison pestilentielle de ces restes de viande est insupportable.
    - « Embrasse-moi ! »
    - « Je ne peux pas ! »
    - « Embrasse-moi, c’est ta seule chance !»
    L'accélération soudaine de la dégénérescence de ce corps à l’agonie m'effare. Dans quelques instants, de sa dépouille ne restera qu’un ramassis d’ossements, qu'un tas de poussière que le vent du large se chargera d’éparpiller à jamais dans la mer.
      Le baiser de la mort, le baiser de la vie. J’appose mes lèvres sur le trou béant édenté. Des relents de pourriture remontent jusqu'à mes poumons. Deux serres saisissent l’arrière de mon crane et le maintiennent fermement appliqué. Un flux incessant d'un liquide visqueux se déverse dans ma bouche et s’écoule avec amertume dans le fond de ma gorge…

    ***

    - « Rassurez-vous, il s’en sortira ! La lame de l’épée est passée à quelques centimètres du cœur et n’a pas tranché l’aorte ni transpercé le poumon. »
    J’ouvre les yeux. Mon corps repose sur un sol jonché de feuilles mortes. Aux cieux, les branches dévêtues des arbres s’érigent en forme de nef. Une brume automnale envahit la crypte végétale d’où émergent des têtes chapeautées. A visage découvert, ni familier ni  tout à fait étranger, ils m’observent l’œil inquisiteur. Un homme, agenouillé à mes côté,  prend mon pouls d’une main et de l’autre celle d’une très jolie femme rousse. Au loin, j'entends une voix incisive clamer : « Allons messieurs, ne tardons point, transportons-le avant que les mousquetaires du cardinal Richelieu n’arrivent ! Qu’il avale cette concoction et partons ! »
      Mes yeux se referment. J’entends dans un dernier souffle la jeune femme rousse me crier : « non, mon ami, ne repartez pas ! »...
     
    (Fin...)
    Jack Monster, © 2007, tous droits réservés.