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Une brève rencontre

Paris, un matin, je me retrouve à déambuler le long d’une grande avenue dont les façades, trop souvent,  se confondent avec la grisaille persistante du ciel. Sans trop savoir pourquoi je n’ai emprunté l’habituel bus, je marche, à la recherche du grain de folie qui agrémenterait mon existence, quelque peu maussade, de quelques touches d'allégresse, me permettrait ainsi de m’ébaudir à la vue d’une flopée de ballons de baudruche multicolores crevant le plafond bas de mon horizon ou, mieux encore, de m’enthousiasmer des improbables impacts laissés sur le macadam par des bombes, non pas d’eau mais de peinture, jetées du haut des grandes fenêtres des immeubles bourgeois.
Déjà défilent, à la lueur des lucarnes dressées sur les toits en zinc, les ombres chancelantes des lève-tôt, alors qu’aux étages, les grandes fenêtres majestueuses, telles des vitrines de Noël de grands magasins laissant leurs automates livrés à eux-mêmes avant le bruyant déferlement des enfants, tardent encore à livrer aux regards curieux la quotidienneté de la vie de leurs habitants.


De son reflet, je préfère ne garder que l’esquisse de son visage qui tente de s’esquiver de ma mémoire, ne voir, du mouvement de ses mains astiquant le carreau, qu'un dernier geste d'adieu. J'aimerais attraper sa bouche qui me sourit en m'apercevant en train de l'observer et rire avec elle, un bon coup, une bonne fois. Elle s'amuse, trace de grands cercles imaginaires avec ses bras, grimace, éclate de rire. Trois secondes de complicité valent parfois plus que l'éternité d'une vie...et de la mort.


La mort, furtif coup d'œil à ma montre, qui tue ce moment magique, mes talons qui se tournent, et l'enterre définitivement au rayon des souvenirs agréables mais inaccessibles, mes pas qui soudainement se hâtent...la fuite. La fuite en avant ! Derrière mon dos, une fenêtre s'ouvre, une voix  m'apostrophe : "Hey!" Je suis déjà loin, trop loin pour...revenir! Je me retourne et je la vois enfin distinctement, vêtue de son unique robe, courte, vert électrique, montée sur la pointe de ses ballerines assorties, du haut de son escabeau, penchée dans le vide qui s’écrie : "Attendez-moi, je vous accompagne!"


Pourquoi pas, grain de folie, un immense plaisir qui remonte lentement, le craquement définitif d’un drame qui se noue, délicieusement des orteils à la pointe des cheveux, le saut de l’ange, l’envie irrésistible de crier de joie, un cri qui transperce les tympans, le bien être qui s'empare du corps, une vie qui bascule, la vie qui s’envole, sur l’asphalte noir. Le silence… Le temps qui semble hésiter, puis une petite tache rouge qui perle sur l'étoffe verte, qui grossit à vue d'œil sans que rien ne puisse l'arrêter...

 

Jack Monster, © 2007, tous droits réservés.

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